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« Corona est une bénédiction, c’est une grâce même ». Des
métaphores et de la morale dans les discours autour du
Covid-19 en Côte d’Ivoire1
Oumarou Boukari, Université de Bayreuth / Université Alassane Ouattara
(oumarou.boukari@uni-bayreuth.de / boumarou2001@yahoo.fr)
Résumé
La présente contribution traite des métaphores et de leurs dimensions morales dans les
discours de la santé en Côte d’Ivoire. Partant de l’hypothèse que les métaphores de la santé
sont axiologiquement chargées, l’article analyse un riche corpus de données orales sur la
question du COVID-19 et de sa gestion en Côte d’Ivoire. L’objectif est de montrer, d’une part,
comment les Ivoiriens recourent à ces métaphores pour conceptualiser les maladies et d’autre
part, les effets de cette conceptualisation sur leurs comportements. L’étude se fonde sur une
approche empirique de type qualitatif. Les analyses s’inscrivent globalement dans les
principes théorico-méthodologiques de la métaphore conceptuelle. Cependant, elles sont
restées ouvertes à d’autres approches qu’elles ont mises en dialogue. Les résultats montrent
que, bien que les phénomènes métaphoriques identifiés confirment les études antérieures sur
le discours épi-/pandémique, les représentations liées à la maladie et la stigmatisation morale
du patient qui en émergent ne peuvent être attribuées aux métaphores linguistiques, mais
plutôt à nos processus cognitifs de conceptualisation des réalités environnantes.
This paper discusses metaphors and their moral implications in health discourses in Ivory
Coast. Based on the assumption that health metaphors are axiologically loaded, the study
analyses a rich corpus of oral data on the issue of COVID-19 and its management in Ivory
Coast. The aim is to show how these metaphors are, on the one hand, used by Ivorians to
conceptualize diseases and, on the other hand, their effects on the Ivorians’ attitudes. The
study uses an empirical and qualitative methodological approach. The analyses are generally
carried out through the lenses of the theory of conceptual metaphor. Yet, they remained open
to other approaches which they have put into dialogue. The results show that although the
metaphorical phenomena identified confirm previous studies on epi-/pandemic discourse,
the representations related to the disease and the moral stigmatization of the patient that
emerges cannot be attributed to linguistic metaphors but rather to our cognitive processes of
conceptualizing the surrounding realities.
1 Cet article est le résultat d’un travail de recherche mené dans le cadre du Pôle d’excellence
“Africa Multiple” à l’Université de Bayreuth, financé par la Deutsche Forschungsgemeinschaft
(DFG, Fondation allemande pour la Recherche), en droite ligne de la stratégie allemande pour
l’excellence - EXC 2052/1 – 390713894.
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1. Introduction
La métaphore est si présente dans les différentes formes de communication
humaine (Lakoff/Johnson 1980/1985 ; Gibbs 1994, 2005, 2008) que la longue
tradition d’étude dont elle bénéficie depuis le XVè siècle n’est pas parvenue à
épuiser son traitement. De nos jours encore, les publications sur cette
thématique continuent d’abonder (Canziani 2016 ; Guitiérrez et al. 2017;
Zayed/McCrae/Buitelaar 2018 ; Magaña 2019 ; Dalayney/Barrere/Bark 2020 ;
Shi et al. 2021, etc.). Elles examinent divers types de données et mobilisent des
chercheurs de disciplines diverses (linguistique, littérature, didactique,
pédagogie, sociologie, psychologie, médecine, sciences de la vie et de la terre,
sciences cognitives, neurosciences, etc.). Et à bien considérer les récents
développements des recherches sur la métaphore (cf. Domínguez 2016 ;
Semino/Demjén 2017), il parait évident que la dynamique impulsée par les
travaux philosophiques du Moyen-Âge ne s’arrêtera pas de sitôt.
Cependant, il convient de constater que cette convergence des efforts interdisciplinaires
pour l’étude, la compréhension et l’usage efficient de ce
phénomène central de la cognition humaine n’est essentiellement observée que
dans les pays du Nord. En effet, à l’exception de quelques travaux sur des
données littéraires (Chitour 2008 ; Elongo 2018), politiques (Agbo/Kadiri/ Ijem
2018 ; Gachigua 2016) ou informatiques (Heukelman/Obono 2009), les
réflexions consacrées purement aux expressions métaphoriques dans la vie
quotidienne n’ont que rarement retenu l’attention des chercheurs en Afrique.
Cela est surtout vrai pour ce qui concerne la linguistique, où d’une manière
générale, et principalement en Afrique francophone, peu d’études ont porté sur
les dimensions pragmatiques et discursives des langues. Aussi le présent article
contribuera-t-il à combler en partie ce déficit et tentera de renforcer ce maillon
faible des études africaines. Toutefois, en amont de cette motivation, que l’on
pourrait qualifier de secondaire, se situe une autre, plus fondamentale, mais
portant aussi sur un aspect négligé de la recherche linguistique. Ainsi, en plus
d’expliciter davantage les raisons qui nous amènent à analyser ici les
caractéristiques des métaphores dans les discours autour du COVID-19 en Côte
d’Ivoire, la motivation primaire édifie également sur les raisons du choix de ce
corpus. De fait, l’objectif majeur de l’article est de montrer que l’étude des
phénomènes éthiques ou moraux n’a que trop longtemps été exclue (van
Leeuwen 2008: 110) du domaine des sciences du langage (cf. aussi KerbratBoukari:
« Corona est une bénédiction, c’est une grâce même »
97
Orecchioni 2002 ; Paveau 2013 ; Spencer-Bennett 2018 ; Drescher 2020 ; Boukari
2020 ; Drescher/Boukari/Ngawa (sous presse)). Assurément, si, comme le fait
remarquer Lambek (2015: 252), le langage (objet d’étude du linguiste) est au
coeur de l’éthique tout comme l’éthique est au coeur du langage, et ce, à tous les
niveaux (linguistique et discursif), nous soutenons que la linguistique ne saurait
l’exclure de son domaine.
Pour le montrer, nous nous inspirons de Sontag (1978, 1990, 1993), qui tout en
mettant en évidence le caractère hautement métaphorique du discours de la
santé a exposé de fort belle manière la propension de certaines métaphores à
être « fondamentalement anti-explicatives et par-dessus tout moralisantes »
(Sontag 1993: 139). Elle explique que la représentation métaphorique de la
maladie et des épidémies forge dans l’imaginaire populaire des perceptions ou
des raisonnements hideux qui pour la plupart sont culturels, mais très souvent
préjudiciables aux malades tant sur le plan physique que moral. Partant de là,
nous faisons l’hypothèse qu’à l’instar des discours de la santé antérieurement
analysés, les réalités culturelles et historiques des Ivoiriens, le mode
d’apparition du COVID-19, sa progression rapide en pandémie, le nombre de
morts qu’elle occasionne, les mesures prises pour la contrecarrer, les images et
les informations véhiculées par les médias font naitre des représentations dans
l’imaginaire des populations ivoiriennes qui les extériorisent sous la forme
d’expressions métaphoriques qu’ils attachent à cette maladie et qui parfois sont
porteuses de jugements moraux.
Ce sujet, nous l’explorons du point de vue de la pragmalinguistique. L’étude est
donc empirique et de type qualitatif, même si des indications quantitatives
permettront au lecteur de se représenter la portée des résultats. L’analyse
privilégie comme modèle de départ, qui sera enrichi par d’autres, l’approche
maximale ou non distinctive de la métaphore telle que définie dans les
développements récents de la théorie de la métaphore conceptuelle (TMC). Ceci
dit, deux questions alimentent la problématique de la recherche. La première
vise à identifier les différentes expressions métaphoriques mobilisées pour
parler de la maladie et leurs fonctions dans le discours autour de la maladie à
coronavirus en Côte d’Ivoire. Ce potentiel métaphorique est-il différent de celui
observé dans d’autres épi-/pandémies ? La deuxième question examine, audelà
de leur multiplicité et dans une rationalité avec les cultures ou modes de
vie locaux, comment ces métaphores linguistiques conceptualisent la maladie et
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avec quelles implications sur les représentations, modes de vie et de penser des
populations ivoiriennes. Plus concrètement, la dernière interrogation cherche à
savoir comment les métaphores conceptuelles (MC) façonnent les opinions,
raisonnements et autres attitudes des populations ivoiriennes. Afin de répondre
à ces questions, nous commençons par considérer certains aspects théoriques
(§2). Ensuite, nous présentons notre cadre méthodologique (§3). Puis, nous
exposons les résultats des analyses (§4) avant de les discuter à la lumière des
études antérieures et de la question de l’évaluation morale (§5).
2. Aspects théoriques
2.1 Métaphore et conceptions théoriques
Pendant longtemps, la métaphore ne fut appréhendée qu’en termes de procédé
stylistique. Elle n’était définie que comme une sorte de comparaison consistant
à remplacer une image par une autre. « La métaphore est le transfert à une chose
d’un nom qui en désigne une autre, par un glissement du genre à l’espèce, de
l’espèce au genre, de l’espèce à l’espèce, ou bien selon un transfert par analogie »
précise Aristote (1922/2017: chapitre XXI). Mais, cette acception a depuis
évolué. De nos jours, ce qui constitue une métaphore varie selon les théories et
les objectifs de la recherche. Mais au-delà de la pluralité, les approches ont en
commun l’analyse des différents emplois ou variations sémantiques des unités
linguistiques en rapport avec la question centrale de savoir comment s’opère le
passage d’un sens à l’autre. Ainsi, si la lexicographie, par exemple, distingue
entre sens propre et sens figurés qu’elle différencie du sens métaphorique, la
sémantique des prototypes (Koch 1996) et celle dite constructiviste de Kleiber
(1999) privilégient respectivement l’existence d’une signification prototypique
et commune qui sert d’ancrage aux autres rapprochements sémantiques. De son
côté, Ricoeur (1975: 7) inscrit la métaphore dans une relation d’équivalence régie
par la copule être. C’est ce verbe qui, selon lui, permet d’établir l’analogie et de
percevoir le semblable malgré les différents concepts.
Quoiqu’il en soit, en se fondant sur le « jeu complexe de convergence et de
différence sémantique », Gréa (2001: 28) répartit les théories de la métaphore
entre approches distinctives et non distinctives. Les premières appelées aussi
approches minimales (Pragglejaz Group 2007) dissocient la catachrèse de la
métaphore. En effet, en forgeant d’un côté le terme générique de catachrèse et
en le présentant de l’autre côté comme le fruit d’une extension sémantique,
Boukari: « Corona est une bénédiction, c’est une grâce même »
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dépourvu d’une véritable originalité, les rhétoriciens (Fontanier 1977) en font
une sorte de synonyme presque parfait de la notion de polysémie de la
sémantique lexicale (Robrieux 1998). De fait, Fontanier (1977) établit une
distinction entre catachrèse métonymique, catachrèse synecdotique et
catachrèse métaphorique. Aussi définit-il la dernière comme une sorte de
métaphore forcée, « n’ayant en vue de présenter qu’une seule idée, et la
présentant toute nue, et sans déguisement » (Fontanier 1977: 219). Elle ne serait
donc qu’une sorte d’emprunt visant à combler un vide lexical et ne serait
motivée que par un souci d’économie linguistique. C’est dire que pour
Fontanier, la catachrèse métaphorique se distingue de la véritable métaphore
dotée, elle, d’un « sens tropologique figuré » (Fontanier 1977: 58). Contrairement
à la catachrèse (sens tropologique extensif), la vraie figure métaphorique
ne découle pas d’une nécessité d’adaptation analogique ou de l’extension d’un
sens propre primitif dans l’optique de produire un second sens propre (non
primitif). Pour lui, la métaphore-figure manifeste un double sens. Elle présente
toujours à dessein deux idées distinctes mises en tension pour embellir le
discours, « l’une sous l’image de l’autre, ou à côté de l’autre » (Fontanier
1977: 58).
Même si l’approche rhétorique est proche de celle de la sémantique lexicale de
type distinctif en ce sens qu’elle dissocie la métaphore de la polysémie, il faut
tout de même souligner que les deux approches n’ont pas la même
compréhension de la notion de polysémie. Dans la théorie sémantique (type
distinctif), la polysémie relève du système de la langue et se distingue de la
métaphore qui, elle, est un pur phénomène discursif. En cela, il est dit qu’une
polysémie peut être soumise à un test de commutation paraphrastique alors que
la métaphore ne peut pas l’être. Elle est surtout tributaire d’un « calcul
référentiel » visant à rechercher les attributs comparés dans le contexte discursif
(Victorri/Fuchs 1996: 39) se rapprochant ainsi d’une certaine conception non
distinctive.
Contrairement aux approches distinctives, les non distinctives ou maximales
(Pragglejaz Group 2007) conçoivent la métaphore comme le fruit de principes
ou de processus cognitifs. Elles tendent « plus à fusionner les différents emplois
sémantiques et à les subsumer sous des mécanismes généraux plutôt que
s’attacher à les distinguer » (Gréa 2001: 56). On retrouve cette vision dans les
théories cognitives telles que la TMC (Lakoff/Johnson 1980/1985, 1999 ;
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Kövecses 2010, 2017 ; Veliz 2018) et la théorie de la pertinence (Sperber/Wilson
1989, 1995, 1997 ; Carston 2002). La TMC pose que la métaphore n’est pas
seulement un dispositif stylistique ou ornemental du langage. Pour elle, la
métaphore, dont l’essence est de permettre « de comprendre quelque chose (et
d’en faire l’expérience) en termes de quelque chose d’autre » (Lakoff/Johnson
1985: 15), n’est en réalité que le reflet de la cognition humaine. Pour les
initiateurs de cette approche, qui nous servira de modèle de départ - car au fond
les approches se complètent (cf. §4) - ce sont nos processus cognitifs qui sont
fondamentalement métaphoriques. Nous y reviendrons plus bas (§2.1). Mais,
d’ici là, voyons la conception de la métaphore dans la théorie pragmatique de
la pertinence (TP) avec qui la TMC a une affinité et qui nous permettra de
soutenir une certaine thèse par la suite (§4).
La TP soutient aussi que les concepts mentaux peuvent avoir leur contrepartie
dans le langage naturel sous la forme de mots. Seulement, dans cette approche
de l’intégration conceptuelle, les mots sont vus comme des adresses en mémoire
qui donnent accès à des informations variées stockées dans trois types
d’entrées : logique, encyclopédique et lexicale (Sperber/Wilson 1995: 92). Dans
leur publication de 1997, Sperber/Wilson vont plus loin. Pour eux, tous les mots
doivent être considérés comme n’encodant pas des concepts mentaux précis et
entièrement déterminés, mais plutôt des « pro-concepts » qui doivent être
ajustés de manière pragmatique pour être spécifiés ou restreints
(Sperber/Wilson 1997: 108). Carston (2002: 360) précise alors que les mots se
comportent telles des indications d’un espace conceptuel, sur la base duquel un
concept réel est déduit de manière pragmatique. De fait, la théorie de la
pertinence affirme non seulement que la signification d’une métaphore
n’implique pas un processus interprétatif autre que celui mis en oeuvre dans
l’interprétation des énoncés ordinaires, mais aussi qu’elle n’est rien d’autre
qu’un emploi parmi d’autres. Sperber/Wilson (1989: 356) écrivent à cet effet :
« La métaphore n’exige […] pas d’aptitudes ou de procédures interprétatives
particulières : elle procède naturellement d’aptitudes et de procédures d’un
usage tout à fait général dans la communication verbale ». Selon eux, le recours
à la métaphore n’est motivé que par la recherche d’une pertinence discursive
optimale ; elle-même régie par un principe d’optimisation des processus
différentiels. Sperber/Wilson (1989: 343) soutiennent qu’un énoncé est soit de
type descriptif soit interprétatif. Pour eux, les derniers qui englobent tous les
figures et énoncés approximatifs mettent en jeu un lien de ressemblance
Boukari: « Corona est une bénédiction, c’est une grâce même »
101
interprétatif entre les inférences de deux formes propositionnelles de sorte que
la première représentation proportionnelle soit une interprétation logique de la
seconde. Comment tout ceci s’applique aux études antérieures ?
2.2 Métaphore, études antérieures et discours de la santé
En parcourant la vaste littérature sur les métaphores et les manuels présentant
les grands axes de cette recherche (cf. Gibbs 2005, 2008 ; Semino/Demjén 2017),
l’on serait tenté de répartir la pluralité des travaux en cinq grandes catégories
qui toutefois sont loin d’être étanches. La première catégorie réunit les
publications qui visent à proposer des théories et/ou méthodes permettant
d’étudier au mieux les expressions métaphoriques. La seconde catégorie
s’intéresse à la relation entre la métaphore et le développement cognitif. La
troisième examine les variations formelles de la métaphore dans le langage
tandis que la quatrième catégorie traite de sa variation fonctionnelle. Quant aux
travaux de la cinquième catégorie, ils se penchent sur l’utilisation des
métaphores dans la résolution de certains problèmes d’ordre pratique. C’est
dans ce dernier groupe qu’on retrouve la majorité des études explorant les
métaphores de la santé ou de la maladie. Vu que notre étude a un objet similaire,
nous limiterons la présente revue de la littérature aux analyses de la métaphore
dans le discours de la santé. Et même dans ce cas, référence ne pourra être faite
qu’à quelques travaux, car il existe une pléthore de publications sur les
métaphores de la maladie (voir Gibbs/Franks 2002), qu’elle soit mentale (cf. Tay
2013, 2017) ou physique (cf. Demjén/Semino 2017).
Ceci étant dit, en rapprochant les discours sur le cancer et la tuberculose et plus
tard ceux sur le SIDA, Sontag (1978, 1990, 1993) fut l’une des premières à mener
« une attaque contre la pensée métaphorique sur la maladie et la santé » (Sontag
1993: 128). Elle montra que les émotions et autres formes d’expériences
sensibles, subjectives et complexes qui sont liées à la maladie sont régulièrement
associées à des métaphores. Il est vrai qu’elles permettent ainsi de les évoquer
ou de s’y référer en termes d’expériences moins subjectives, plus simples et plus
concrètes (Demjén/Semino 2017: 385). Cependant, Sontag fustige cette tendance
à vouloir transformer la maladie en métaphore. Pour elle, la pensée métaphorique
sur la maladie obscurcit son expérience, développe des mythes et
autres perceptions sociales négatives de la maladie qui tuent le malade plus que
la maladie en elle-même. « Les maladies métaphorisées qui hantent
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l’imagination collective aboutissent toutes à des morts ‘dures’ » écrit-elle
(Sontag 1993: 166). Si dans ces premiers écrits la solution qu’elle préconise est
de faire disparaitre toutes les métaphores des discours de la santé, dans son
ouvrage Le SIDA et ses métaphores, elle finit par mitiger cette position en
précisant que « toutes les métaphores qui s’appliquent aux maladies et à leurs
traitements ne sont pas également louches et trompeuses » et que celle qu’elle
aimerait « surtout voir mise au rancart […] est la métaphore militaire » (Sontag
1993: 235). La grande majorité des recherches sur les métaphores de la maladie
faisant suite aux travaux de Sontag, même si elle ne s’en prend pas toujours aux
métaphores, aboutit plus ou moins aux mêmes conclusions que cette auteure en
ce qui concerne les types de métaphores et leurs implications.
Ainsi, qu’il s’agisse des travaux cherchant à améliorer les pratiques communicationnelles
autour des métaphores de la maladie (Taylor/McLaughlin 2011),
ou de ceux analysant l’usage des métaphores de la maladie dans les massmédias
(Koteyko/Brown/Crawford 2008), ou qui les étudient dans la
dynamique interactionnelle du discours thérapeutique (Skelton et al. 2002 ;
McMullen 2008 ; Peräkylä et al. 2011 ; Tay 2011, 2014 ; Needham-Didsbury
2014 ; Demmen et al. 2015), ou bien qu’il s’agisse des travaux examinant les
métaphores usitées par les malades eux-mêmes dans les récits de leurs émotions
(Locock/Mazanderani/Powell 2012) ou de leurs maladies, le constat est le
même : la métaphore fait plus qu’illustrer. Pour la dernière catégorie, on citera
en guise d’illustration Gibbs/Franks (2002) et Skott (2002) pour les métaphores
des patients atteints de cancer, Loftus (2011) pour ceux souffrant de douleurs
chroniques, McClelland/Huttlinger (2013) pour l’asthme, Larcombe (2011)
pour les infections urinaires, Schuster/Beneu/Strongs (2011) pour l’hypertension,
etc. Toutes les études citées ici considèrent la métaphore comme une
épée à double tranchant (Czechmeister 1994). Elle peut constituer une source de
richesse en aidant à exprimer ou à donner sens à la maladie. Mais sa mauvaise
utilisation peut aussi en faire un poison, une source d’anxiété et de disqualification
morale. Et si la métaphore militaire ou de guerre, avec son lot de
violence et d’exagération (Gwyn 1999 ; Semino et al. 2014), est la plus
condamnée, certains chercheurs comme Reisfield/Wilson (2004) ne sont pas de
cet avis. Ils considèrent que vouloir se départir à tout prix de la métaphore
militaire équivaudrait à vouloir réduire au silence les malades qui y retrouvent
source de motivation et de réconfort. Les deux chercheurs rappellent qu’en
Boukari: « Corona est une bénédiction, c’est une grâce même »
103
matière de métaphores et de maladies, la variation individuelle doit être
reconnue.
2.3 Discours et morale
Considéré d’ordinaire comme une production langagière assez complexe, le
discours manifeste une pluralité de définitions dans la littérature. Mais en
privilégiant sa dimension sociale, Angenot (1989) l’assimile à un mode de
construction des savoirs sociétaux, où les énoncés s’intègrent dans des
structures textuelles de différents genres (narratif, argumentatif, descriptif,
explicatif). Dans cette perspective, tout discours est une construction de sens, de
représentation ou de réalités sociales au travers de productions langagières
diverses. Selon Angenot, la notion de discours renvoie à : « tout ce qui se dit et
s’écrit dans un état de société ; tout ce qui s’imprime, tout ce qui se parle
publiquement ou se représente aujourd’hui dans les médias » (Angenot
1989: 13). Cette acception du discours située entre savoir sociétal, la pensée et le
langage est celle qu’on retrouve également dans la tradition française de
l’analyse de discours ancrée dans l’oeuvre de Foucault 1969. Ce dernier définit
le discours comme l’ensemble « des pratiques qui forment systématiquement
les objets dont on parle » (Foucault 1969: 66. Pour lui aussi, le discours est une
configuration de savoirs structurés du point de vue linguistico-textuel. Il
organise et structure l’ensemble des savoirs relatifs à un sujet, soutient Foucault
(1969: 44). Selon cette perception, « il n’y a pas de savoir sans une pratique
discursive définie ; et toute pratique discursive peut se définir par le savoir
qu’elle forme » (Foucault 1969: 238). Dit autrement, les savoirs se manifestent
en grande partie sous forme de discours. Car « un savoir, c’est ce dont on peut
parler dans une pratique discursive qui se trouve par-là spécifiée ». Tel que
conçu ici et utilisé dans le cadre de notre étude, la fonction assignée au discours
est proche de celle assignée aux MC. Elle ne donne pas une image fidèle de la
réalité, mais construit plutôt cette réalité (nous y reviendrons en 3.1). Ceci
implique que les discours tout comme les MC ne sont jamais neutres, mais
toujours empreints de jugement moraux, idéologiques, esthétiques, etc. que
leurs analyses permettent de révéler à l’instar des conditions de production des
énoncés qui les constituent ou des instances de pouvoirs qui les contrôlent et
décident à la fois de leur légitimité au sens de ‘vrai’ vs. ‘faux’ et de leurs
représentants au sens de ‘autorisé’ vs. ‘non autorisé’.
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104
En ce qui concerne les notions de morale et de discours moral, il est vrai que
certaines traditions philosophiques et anthropologiques établissent une
distinction entre la morale et l’éthique. Aussi comprennent-elles la première
comme des principes éthiques édictés une fois pour toute ou bien comme des
codes de conduite donnés et approuvés dans une société particulière ; alors que
la seconde serait plutôt associée à des orientations plus contextualisées. Cette
dernière est perçue comme étant sensible aux dissensions normatives de la vie
sociale telle qu’elles sont vécues par des personnes particulières à des moments
et dans des lieux particuliers (Spencer-Bennett 2018: 117). Dans ce travail
cependant, cette distinction n’est pas maintenue. Suivant les philosophes
analytiques et des linguistes tels que Paveau (2013), Spencer-Bennett (2018),
Drescher (2020), Boukari (2020), Drescher/Boukari/Ngawa (sous-presse), nous
employons réciproquement les notions d’éthique et de morale comme des
synonymes parfaits. Elles sont appréhendées comme étant des savoirs ou
représentations sociales continuellement co-construites dans et par les relations
sociales telles que manifestées dans les interactions quotidiennes. En cela, nous
accréditons la thèse de Bergmann/Luckmann (1999) ou de Bergmann (2004)
pour qui l’éthique ou la morale sont des activités avant tout
communicationnelles et dont l’essence est fondamentalement ancrée dans les
interactions ordinaires. Partant de là, nous assimilons la morale à des procédés
verbaux ou para-verbaux par lesquels les préoccupations morales, les
revendications et les jugements axiologiques moraux apparaissent et sont
reconnus dans les interactions. Dans une perspective purement linguistique, on
pourra dire que ce sont les formes et/ou pratiques langagières par lesquelles les
savoirs ou positions morales émergent, prennent forme, s’expriment et
s’établissent dans le discours en tant que différentes manières d’émettre des
jugements, de faire de l’éthique ou de la morale, non pas au sens de sermonner
en français, mais plutôt de doing ethics en anglais (Lambek 2015). Dès lors, ce
que nous appelons discours moral est une communication où les savoirs
moraux sont construits ou co-construits. De telles activités langagières sont
empreintes d’évaluations et des jugements axiologiques des activités humaines
(Lambek 2015: 228). Elles traitent de bien et de mal, de sentiments d’équité, de
bien-être, des bonnes ou mauvaises façons d’agir. Mais quel lien la morale
entretient-elle avec le discours épi-/pandémique ?
Boukari: « Corona est une bénédiction, c’est une grâce même »
105
2.4 Discours épi-/pandémique, métaphore et morale
Tel que précédemment défini, le discours est le lieu de construction et de
validation des savoirs sociétaux. Ainsi, ni la maladie, ni sa conception
n’échappent pas à ladite pratique. C’est dans le discours qu’elle est définie et
c’est aussi là que s’élabore son cadre d’interprétation. Notons que très souvent,
la construction de ce savoir dépasse le cadre des vérités scientifiques. Elle puise
dans la culture, dans les phantasmes, les rumeurs et/ou autres réalités sociétales
telles que les expériences individuelles ou collectives, les perceptions émotives,
les représentations, les discours médiatiques, etc. Et lorsqu’il s’agit d’une
épidémie ou d’une pandémie contemporaine, comme c’est le cas avec le
COVID-19, les sources d’alimentation du savoir discursif deviennent aussi
variées que diverses. De cette complexité subjective naissent des métaphores
qui selon Sontag (1993) caractérisent le discours épi-/pandémique. Celles-ci
deviennent les miroirs des diverses expériences, des savoirs ou des multitudes
d’idées associant généralement les maladies à des malheurs qui narguent
l’humanité, la défient et frappent collectivement les espèces vivantes (Thießen
2015). En effet, les maladies et encore plus les pandémies sont d’ordinaire
vécues comme des expériences accablantes (Feuerstein-Herz 2005) qui
confrontent l’homme à ses limites, à son impuissance, sinon à sa vanité.
Justement, Sontag (1993: 19, 76), avance que les discours épi-/pandémiques et
leurs métaphores trouvent leurs antécédents et contreparties dans les discours
qui ont caractérisé les crises précédentes. Ils se recoupent et se superposent.
Communément ressassés, ces discours sont activés ou réactivés au fil des
siècles, et ce, à chaque nouvelle épidémie ou maladie grave. Les exemples
qu’elle cite sont nombreux. Mais, nous ne retenons ici que quelques-uns qui
manifestent un lien explicite avec la morale, motivation première de notre
étude. Sontag indique par exemple que la maladie est depuis longtemps
associée métaphoriquement à des représailles. Ainsi, « les spéculations du
monde antique faisaient […] de la maladie un instrument de la colère divine
[…] le châtiment des péchés […], de la corruption morale » (Sontag 1993: 57ss).
Parfois selon d’autres, « la maladie intervient en tant que châtiment surnaturel
ou possession démoniaque, ou résultat des causes normales » indique Sontag
(ibid.: 62). En outre, poursuit-elle, « la maladie mortelle a toujours été
considérée comme une mise à l’épreuve de la force morale. […] Elle
s’accompagne de la spiritualisation automatique de cette maladie en même
metaphorik.de 32/2022
106
temps que de la récupération sentimentale de ses aspects insoutenables » (ibid.:
59ss). Une autre image métaphorique commune à la plupart des discours
pandémiques selon Sontag est celle de « la maladie qui constitue l’occasion de
se conduire vertueusement » (ibid.: 60) ou encore « une forme d’invasion […]
souvent véhiculée par des soldats » (ibid.: 179). Comme on peut le voir, le
discours épi-/pandémique et ses métaphores manifestent de très fortes charges
morales. La maladie est métaphoriquement associée à l’immoralité et à
l’irresponsabilité de l’homme. Aussi, serait-il lui-même le malfaisant, premier
responsable de sa maladie et du mal. Une telle conception générale de la
maladie se retrouve aussi dans le contexte humain et culturel ivoirien.
2.5 Cultures ivoiriennes, santé et maladie : un même système explicatif
L’intérêt de cette section est de montrer que chaque système culturel dispose de
sa propre logique. Connaitre ce système venu du passé, permettra d’expliquer
plus bas (§ 5.2/5.3), en quoi il est capital pour la compréhension des métaphores
et de leurs implications dans les comportements présents des populations
ivoiriennes. Ceci dit, s’il est vrai que les spécificités propres à chacune des
soixante communautés linguistiques de la Côte d’Ivoire empêchent de parler
d’une culture ivoirienne unique, il n’en demeure pas moins que, dans leurs
vécus (passés et présents), certaines de leurs représentations se rejoignent avec
une profonde unité des visions du monde. Ainsi, en ce qui concerne la maladie
ou la santé, ce système culturel commun s’articule autour de deux variables
sociales que sont le sacré et le spirituelo-religieux (Reveyrund 1982 ; Memel-
Fotê et al. 1998).
Traditionnellement, les Ivoiriens sont polythéistes. Et bien qu’ils soient pour la
plupart islamisés ou christianisés de longue date, ces religions révélées (toutes
obédiences confondues) n’ont pas réussi à les départir des cultes ancestraux
profondément enracinés dans leurs moeurs. De fait, les traditions ivoiriennes
considèrent le monde comme un mystère régi par un principe fondamental de
dualité. Ainsi, le monde est perçu comme composé de deux sphères qui se
côtoient de manière très étroite. L’une est visible (la sphère des humains) et
l’autre, invisible (celle des sorciers, des dieux et des esprits : ancêtres, génies).
Dans chacune de ces dimensions se côtoient à leur tour les forces du bien et du
mal. La mission des dernières est de porter atteinte à l’intégrité des êtres via leur
physique et /ou leur essence (esprit, double ou âme), tandis que celle des forces
Boukari: « Corona est une bénédiction, c’est une grâce même »
107
du bien consiste à protéger l’intégrité humaine des forces du mal. Selon cette
construction sociale, le monde invisible est donc celui des causes tandis que le
monde visible est celui des effets (Memel-Fotê et al. 1998: 22). Aussi, les forces
en présence sont-elles inventoriées, classées et individualisées afin de permettre
aux humains d’entrer en contact avec elles afin de s’attirer leurs influences
bénéfiques et/ou de se mettre à l’abri de leurs influences négatives. De là
découlent divers interdits variant en fonction du type de pacte lié et de l’identité
de la puissance visible ou invisible avec laquelle le pacte est scellé par accord.
2.5.1 Perceptions de la santé dans les cultures ivoiriennes
Globalement, la santé apparaît dans les sociétés ivoiriennes comme synonyme
de bien-être, « une qualité supérieure de la vie, une plénitude heureuse d’être,
de relation et d’activité » (Memel-Fotê et al. 1998: 27). Le bien-être connoté est
non seulement celui d’un corps, mais aussi celui d’un esprit, indemne de
souffrance et généralement en état de force. Ce bien-être, les langues locales le
désignent différemment. Mais, elles le font presque toujours de manière
métaphorique. Ainsi, comme l’écrit Memel-Fotê et al. (1998: 27), la santé peut
être assimilée à la fraicheur de la bonne apparence, à la différence du corps
exposé à la chaleur de la maladie (Mandé et Senoufo). Elle peut être associée à
la résistance aux agressions physiques et aux maladies (Lobi et Koulango). Elle
peut aussi être assimilée à la capacité de mouvement sous toutes ses formes
(Dan), à la capacité de reproduction (Abê), à l’esprit épanoui, tranquille ou en
paix (Mandé). Ce bien-être n’est pas qu’individuel, il est aussi social en
devenant synonyme de paix, de prospérité et de réjouissance au sein de la
communauté. L’homme y concourt par ces actions : le respect des règles sociétales,
des us et coutumes (Memel-Fotê et al. 1998: 27).
2.5.2 Maladie et étiologie dans les cultures ivoiriennes
Selon Reveyrund (1982), le malade est généralement perçu comme subissant
une volonté qui s’impose à lui. Quelle qu’elle soit, somatique ou psychique, la
maladie est perçue comme le signe d’une faute échappant à la conscience
présente de l’acteur social qu’est le malade et, en conséquence, à sa culpabilité.
Il est couramment admis que la maladie est la manifestation à travers le malade
d’une inconduite située à l’extérieur de ce dernier. Partant, une maladie est
repérée et nommée en fonction de sa causalité explicitée par un diagnostic
metaphorik.de 32/2022
108
étiologique. Trouver la nature ou le visage de la maladie revient ainsi à la
nommer (Reveyrund 1982: 145). Considérons à titre d’exemple le cas d’une
maladie courante (donc devenue ordinaire) comme le paludisme. Cette maladie
causée selon la médecine moderne par les piqûres de l’anophèle, est désignée
dans les zones culturelles Kwa, par des noms propres de personne, avec l’esprit
desquelles elle est assimilée. Ainsi en pays baoulé, le paludisme est appelé « Dja
Kouadio » (‘Monsieur Kouadio’)2, « Obrou » (nom attribué aux dixièmes
enfants en pays abouré). Dans la zone culturelle Mandé et Gur, cette maladie
est identifiée par ce qui en constitue la cause dans l’imaginaire de ces
populations : « sumaya » (‘fraicheur/humidité’) chez les peuples Mandé,
« gnime » (‘humidité/ombre’) chez les Gur et « wojno » (‘soleil’) chez les
Songhay-Zarmas émigrés en Côte d’Ivoire.
En ce qui concerne l’étiologie des maladies nouvelles ou mystérieuses,
Reveyrund (1982: 147) soutient qu’elle se détermine à partir de la divination.
Celle-ci se fait, soit par l’intermédiaire du rêve, soit par inspiration éveillée ou
encore par révélation directe ou indirecte insufflée par les esprits consultés.
Dans tous les cas, le devin, supposé n’être qu’un medium (intermédiaire entre
le monde visible et invisible), ne fait que recevoir le message des esprits et le
transmettre aux humains. Le diagnostic consiste d’une part, à trouver l’objet
créateur du mal, c’est-à-dire l’agent ou le détenteur de la force efficace qui l’a
produit (sorcier, divinité, esprit) et d’autre part, à en situer l’origine, c’est-à-dire
le fait historique, les événements dont la reconstitution rend intelligible
l’irruption de la maladie dans la vie des individus pour se poser comme le
véhicule de ce mal. D’ordinaire, le facteur explicatif est la situation sociale
conflictuelle ou déviante. Il trouve son mode d’expression à travers un
récepteur plus fragile psychologiquement ou sujet à tel ou tel symptôme. C’est
dire que selon cet imaginaire, la société se sert des maladies pour se réguler et
assurer sa propre conservation selon ses propres règles. Cette conception
étiologique de la maladie fait référence à l’existence d’une énergie vitale
intrinsèque à tout être, qui peut être accrue ou appauvrie sous l’effet de la
sorcellerie ou toute autre force mystique (force du mal), et à la manifestation
d’un conflit relationnel concret et repérable dans l’histoire du sujet. Ainsi, les
2 De nos jours, ce désignatif est cependant devenu le nom le plus connu de la maladie en
Côte d’Ivoire.
Boukari: « Corona est une bénédiction, c’est une grâce même »
109
symptômes d’une maladie ne sont pas fondamentalement considérés comme
les principaux maux à traiter, mais plutôt comme l’expression visible d’un
ennemi caché ou invisible. Dit autrement, le désordre biologique est
appréhendé comme le signe ou l’effet d’un désordre social (Reveyrund
1982: 145). Cette connexion entre symptôme et origine est perceptible dans le
fait que par exemple, pour bon nombre d’Ivoiriens, l’épilepsie est davantage
une maladie diabolique ou tout au moins une manifestation d’origine mystique
que comme un mal relevant d’une maladie ordinaire (Kouassi et al. 2018).
2.5.3 Conception de la thérapie dans les cultures ivoiriennes
Reveyrund (1982) indique que le diagnostic de la maladie requiert en général
une double thérapie. Ce dernier allie l’empirique au symbolique, à savoir un
traitement symptomatique par les plantes et un autre spirituelo-religieux
considéré irrationnel par la médecine moderne. Plus concrètement, le traitement
consiste à réparer le trouble vis-à-vis de l’agent (sorcier, ancêtre, esprit...) et visà-
vis de la cause (généralement de nature sociale). En plus du malade, la
thérapie tient aussi compte de l’environnement social (immédiat ou lointain)
auquel le malade appartient. Reveyrund (1982: 146) précise que l’explication
culturelle du mal demeure valable même si la thérapie échoue. Dans ce cas,
seule la médication est appelée à être modifiée. C’est pourquoi le malade peut
se soumettre à une thérapie de médecine de type occidental pour les symptômes
apparents, et ne négliger en aucune manière le traitement étiologique relevant
du socio-culturel, de la médecine traditionnelle et/ou des religions.
3. Cadre méthodologique
3.1 La TMC comme modèle central d’analyse
Nous annoncions déjà plus haut (§1.1) que même si nous restons ouverts à des
concepts développés par d’autres approches, notre recherche privilégie comme
point de départ l’approche maximale de la métaphore telle que proposée par la
TMC. Ce modèle du « tout métaphorique » puise son origine dans l’ouvrage
Metaphors We Live By de Lakoff/Johnson (1980), traduit cinq ans plus tard en
français sous le titre Les métaphores dans la vie quotidienne. La prémisse centrale
de la TMC, qui a beaucoup évolué depuis cette publication séminale, est qu’une
métaphore n’est pas seulement utilisée pour parler de certains aspects de la vie
metaphorik.de 32/2022
110
quotidienne, mais aussi pour réfléchir sur eux et les façonner. Partant, cette
approche appréhende la métaphore surtout comme un outil de conceptualisation
cognitive permettant de structurer, de restructurer et même de créer la
réalité (Kövecses 2017: 13). Pour Lakoff/Johnson (1985: 158) :
Nous définissons la réalité en termes de métaphores, et puis nous
agissons en fonction de celles-ci. Nous déduisons, fixons des objectifs,
nous prenons des engagements, et nous exécutons des plans. Et nous
le faisons sur la base d’une structuration consciente ou inconsciente
de notre expérience à partir de métaphores.
Concrètement, la TMC pose que ce qui imprègne les manières de raisonner et
de conceptualiser le monde, c’est plus les MC que les expressions métaphoriques
ou métaphores linguistiques (EM/ML). Qu’elles soient conventionnelles,
primaires, nouvelles ou vives, les EM/ML sont présentées
comme faisant partie du lexique mental de tout locuteur natif en tant qu’unités
potentiellement polysémiques. Mais, au fond, ces EM/ML ne sont que des
manifestations contextuelles des MC, qui elles structurent notre vision du
monde et influencent nos manières d’agir. Autrement dit, les réalisations
linguistiques d’une MC font référence aux choix lexicaux ou phrastiques
servant à transmettre un message ou une idée particulière. La réalisation
conceptuelle de la métaphore, quant à elle, fait référence à la structure
conceptuelle globale sous-jacente qui décompose le niveau linguistique et, en
même temps, régit les choix lexicaux ou phrastiques effectués au niveau
linguistique (Kövecses 2010).
De fait, la MC est vue à la fois comme un processus cognitif et le produit de ce
même processus (Kövecses 2017: 13). C’est donc lui qui permet de comprendre
un domaine d’expérience (typiquement abstrait) en termes d’un autre
(typiquement concret) et ce, sur la base de similarité entre ces domaines
(métaphores structurelles) ou d’expériences physiques et culturelles
(métaphores ontologiques). Techniquement, la MC est comprise comme un
ensemble systématique (donc cohérent) de correspondances entre généralement
deux domaines d’expériences (métaphore ontologique simple), mais pouvant
aussi impliquer plus de deux domaines (métaphore ontologique complexe).
Cette mise en correspondance relationnelle ou projection de certains éléments
d’un domaine source sur un domaine cible est appelée mapping. Selon la TMC,
c’est elle qui permet d’expliquer les variations sémantiques des expressions
métaphoriques. De plus, lors du mapping, les connaissances contenues dans le
Boukari: « Corona est une bénédiction, c’est une grâce même »
111
domaine source peuvent être transférées au domaine cible sous la forme
d’inférence ou implication métaphorique [metaphorical entailment] (Kövecses 2010,
2017: 15), un peu comme le suggère d’ailleurs la théorie de la pertinence (cf.
§1.1).
Par ailleurs, Lakoff/Johnson (1985: 20-23) soulignent que le choix du domaine
source et le mapping ne fournissent qu’une compréhension partielle de ce que la
métaphore structure. Ils ne font que mettre en évidence certains aspects du
domaine cible tout en masquant d’autres. Ce biais dans le processus de
conceptualisation est ce qui, dans la TMC, constitue le pouvoir de cadrage de la
métaphore [framing] (cf. aussi Ritchie 2013). D’ailleurs, c’est la manière de cadrer
le domaine cible qui confère à la métaphore le pouvoir de refléter et d’influencer
la façon dont nous pensons à différents types d’expériences et, potentiellement,
la façon dont nous agissons en conséquence. Par rapport aux objectifs assignés
à la présente contribution, notons au passage que la notion de cadrage est
communément adoptée pour expliquer comment le choix des EM/ML peut être
lié aux représentations mentales ou opinions des gens sur des questions spécifiques
dans des contextes spécifiques. Dans ces cas, l’accent est mis sur le
cadrage en tant que processus d’inférence métaphorique impliquant
l’utilisation du langage pour refléter et faciliter différentes manières de
comprendre et de raisonner sur les choses (Semino/Demjén/Demmen
2018: 629). Selon la TMC, le sens est ancré dans nos expériences récurrentes du
monde (Lakoff/Johnson 1999). Cela suggère que ce qui est ancré dans notre
esprit, nos réflexions et ce que nous exprimons émergent de nos premières
expériences dans le monde, en particulier de nos interactions sensorimotrices et
corporelles avec la réalité concrète (Veliz 2018: 214). Pour résumer, comprendre
d’abord que la métaphore est un phénomène fondamentalement psychologique,
ensuite, qu’elle implique un niveau conceptuel et un niveau
linguistique, puis qu’elle implique également une interaction entre un domaine
abstrait et un domaine concret, et qu’enfin c’est ce qui permet aux gens de les
utiliser pour penser et raisonner sur des idées abstraites et des questions
complexes, même s’ils n’en sont pas conscients (Lakoff/Johnson 1980/1985,
1999), c’est comprendre ce qui constitue l’épine dorsale de la TMC. Comment
cette théorie procède-t-elle pour identifier les métaphores ?
metaphorik.de 32/2022
112
3.2 Procédure d’analyse
Selon Kövecses (2008, 2017), l’analyse des métaphores à partir de la TMC peut
être envisagée de deux manières complémentaires. La première dite
traditionnelle est de type descendant. On la retrouve dans la plupart des
travaux sur les structures et processus cognitifs hypothétiques. Elle part d’un
petit nombre d’exemples EM/ML décontextualisés pour postuler l’existence de
MC et ensuite examiner la structure interne de celles-ci en établissant des
projections et des inférences métaphoriques. Autrement-dit, l’approche
descendante met la MC au centre de l’attention en tant que structure cognitive
(hypothétique) de niveau supérieur. Quant à la deuxième approche, elle est en
revanche de type ascendant. Elle concerne les études ayant pour objet les
structures et les processus linguistiques, car son dessein est d’identifier les
EM/ML et MC relatives à un domaine cible particulier (dans notre cas, la
maladie). Il faut dire que la procédure de l’approche ascendante commence par
dégager toutes les EM/ML d’un corpus. Ensuite, le comportement détaillé
(sémantique, structurel, pragmatique, esthétique, etc.) de ces dernières est
vérifié dans les contextes d’utilisation concrets de sorte à dégager en fin de
processus la ou les MC qui les motivent. Dans cette approche, ce qui est au
centre de l’attention du chercheur est la langue et les EM/ML ainsi que leurs
comportements dans des contextes spécifiques (Kövecses 2008: 170). Notre
étude se voulant empirico-inductive et de type qualitatif, c’est tout
naturellement que nous nous inscrivons dans l’approche ascendante.
Précisons toutefois que même si notre corpus porte majoritairement sur le
COVID-19, dans son traitement cependant, nous tenons compte de toutes les
EM/ML associées aux différentes maladies qui y sont mentionnées. Partant,
l’identification systématique des EM/ML sources utilisées pour décrire le
domaine cible des maladies a concerné fondamentalement le niveau discursif.
Néanmoins, l’analyse de ce niveau individuel (selon les termes de Kövecses
2008) est allée de pair avec celui du niveau sub-individuel car ayant souvent
nécessité de recourir au dictionnaire Petit Robert de la langue française (2019) pour
consulter le ou les sens associé(s) à un domaine source particulier. Puis, à la
lumière des résultats de ces premières analyses, nous avons cherché à
caractériser le niveau supra-individuel en structurant les EM/ML recensées
autour de MC. C’est dire que la démarche mobilisée a consisté en une
adaptation à nos objectifs de la procédure d’identification des métaphores (MIP)
Boukari: « Corona est une bénédiction, c’est une grâce même »
113
suggérée par Pragglejaz Group (2007). Ainsi, outre le fait de nous être assuré de
la compréhension globale des discours, d’avoir procédé à leurs segmentations
en unités de sens et d’avoir recherché les mots ou phrases susceptibles d’être
utilisés de manière métaphorique, la procédure analytique a aussi impliqué la
recherche de certaines formes qu’on trouve à proximité d’utilisations
pertinentes de la métaphore comme des sortes de collocations fréquentes, mais
non typiques. Ainsi, une attention particulière fut accordée aux mots ou
structures de concordance environnant les potentielles EM/ML. Allusion est ici
faite aux « expressions de signalisation » [signalling expressions] (Goatly 1997) ou
aux « dispositifs d’adaptation » [tuning devices] (Cameron/Deignan 2003) tels
que « sorte de », « comme », « comme si », « on dirait », « semble » ou encore à
l’usage de la copule « être » pour définir ou caractériser la maladie selon les
suggestions de Ricoeur (1975). Nous avons également tenu compte des
correspondances entre domaines sémantiques et domaines métaphoriques pour
rechercher d’éventuelles métaphores allant au-delà des traditionnelles
concordances lexicales entre domaine cible et source. Par ailleurs, nous avons
vérifié si les MC suggérées après la catégorisation des EM/ML sont
systématisées, c’est-à-dire cohérentes dans l’ensemble du corpus. Pour ce faire,
le domaine sémantique, le con-/cotexte de chaque occurrence fut soigneusement
examiné. D’abord, pour voir si les EM/ML potentielles sont effectivement
utilisées de manière métaphorique. Ensuite, pour identifier tout modèle
pertinent aux objectifs de l’étude, c’est-à-dire pour déceler le type de MC qui en
émerge et avec quelles implications, notamment morales. Mais sur quel corpus
cette méthode ascendante a-t-elle été appliquée ?
3.3 Le corpus
La démarche analytique ci-dessus décrite a eu pour socle un corpus très
diversifié qui a permis de tenir compte des différences de genre, d’âge et de
situation socio-professionnelle. De plus, cette diversité nous permettra de voir
si les EM/ML sont tributaires des types de discours ou de données. En effet, le
corpus fut recueilli dans diverses situations de communication orale en Côte
d’Ivoire entre mars 2020 et avril 2021. Toutes ces données sont pour la plupart
en français ordinaire ivoirien. Nous désignons par là non pas un parler
particulier, mais plutôt un continuum des diverses variétés, à savoir « le français
tel qu’observé dans les conversations de tous les jours […] et/ou, selon les
metaphorik.de 32/2022
114
situations de communication et les compétences linguistiques des interactants,
les registres s’alternent, se chevauchent et s’imbriquent » (Boukari 2010: 96).
Certes, sur la base d’une catégorisation de la population ivoirienne en trois
grands groupes sociaux (élites, scolarisés et non-scolarisés), certains travaux ont
eu à distinguer différentes variétés de français parlées en Côte d’Ivoire (français
populaire ivoirien ou fpi, nouchi, français ivoirien ou local, français standard,
français ordinaire, français courant de Côte d’Ivoire, etc.). Mais réalité est que,
pour l’heure, dans la pratique quotidienne du français en Côte d’Ivoire, « jamais
il n’y aura de critère suffisamment opératoire permettant d’étiqueter comme
plus français ou moins français des énoncés en langue seconde des locuteurs
ivoiriens par ailleurs multilingues » (Kouadio 2006: 186). Mieux, « pour le
locuteur ivoirien, quel que soit par ailleurs le niveau de sa compétence en
français, ce n’est pas toujours évident de dire sans aucune hésitation, à quelle
variété de français ivoirien appartient tel ou tel énoncé » (Kouadio 2006: 186).
De plus, des variétés telles que le nouchi, le fpi ou le français local sont
couramment confondues aussi bien par le citoyen lambda que par certains
spécialistes. Parfois aussi, la même variété est désignée différemment selon les
auteurs.3
Les informations recueillies ont traité de divers sujets, mais tous sont en lien
avec la pandémie du COVID-19 et de sa gestion en Côte d’Ivoire. Cependant,
au-delà de son hétérogénéité, ce corpus d’un peu plus de 35 heures
d’enregistrements peut être scindé en deux catégories. La première représente
l’essentiel des données avec environ 25 heures d’enregistrements. Elle est
constituée de données recueillies en situation de communication en face à face,
soit à travers des interviews individuelles (II) ou collectives (focus groups ‘FG’)
à Bouaké, deuxième ville de la Côte d’Ivoire, soit au cours de cérémonies de
sensibilisation officielle (SO) contre le COVID-19 à Abidjan, capitale économique
ivoirienne, ou encore lors de prêches religieux (PR) à Bouaké sur la
thématique de ladite pandémie. La seconde catégorie de données provient
quant à elle des médias, aussi bien traditionnels (MT) que modernes (MM). Elle
compte une dizaine d’heures d’enregistrements et regroupe des discours
gouvernementaux, des émissions, des débats (sur des chaines de télévisions
3 Pour de plus amples détails, voir Kouadio (2006), Boukari (2010, 2017).
Boukari: « Corona est une bénédiction, c’est une grâce même »
115
ivoiriennes (MTTV) ou des bandes FM (MTR)) et autres vidéos ou messages
vocaux postés sur les réseaux sociaux numériques (MMN).
En ce qui concerne les interviews, elles ont été planifiées en accord avec les
interviewées. Parmi ces personnes, on trouve majoritairement des étudiants,
mais aussi des professionnels de santé, des enseignants, des élèves, des retraités,
des ménagères et des acteurs du secteur informel. Le questionnaire qui a servi
à structurer les échanges après les présentations et autres formalités d’usage
comprend une douzaine de questions ouvertes toutes relatives au COVID-19, à
sa gestion et à ses impacts sur la population. En revanche, pour ce qui est des
autres données collectées en situation concrète de communication, elles l’ont été
de manière imprévue. Les enquêteurs n’ayant fait que tirer profit de certaines
situations de communication imprévues, mais jugées susceptibles de fournir au
chercheur des données pertinentes par rapport à sa recherche. Ceci dit, en
dehors des données médiatiques déjà rendues publiques, toutes les autres ont
été recueillies avec le consentement libre et éclairé des intervenants ; même si
dans le cas des sermons, les autorisations d’utiliser les enregistrements n’ont été
obtenues qu’après. La plupart des données orales ont été transcrites de manière
très basique en suivant les conventions de GAT 2 (Selting et al. 2009). Les
sources des exemples cités dans les analyses, dont les résultats sont exposés
dans la section suivante, sont indiquées en abrégé entre parenthèses à la suite
de chaque illustration.
4. Résultats
Il ressort de l’analyse du corpus qu’au-delà des spécificités locales et culturelles,
les résultats obtenus sont plus ou moins similaires à ceux des études antérieures
sur les métaphores de la maladie et plus particulièrement sur celles des épi-/
pandémies. En effet, les discours autour du COVID-19 en Côte d’Ivoire
s’imprègnent et s’emplissent de métaphores qui, selon une certaine systématicité
des concepts métaphoriques, confèrent divers sens à la maladie avec
diverses implications. Commençons par noter que nous avons recensé dans nos
données cent cinquante-trois (153) expressions métaphoriques directement liées
à la maladie. Elles sont toutes ontologiques, car fondées sur des expériences
corporelles, des expériences d’objets et autres substances présents dans le cadre
de vie ordinaire des populations. Cinq grandes catégories non étanches de
EM/ML se dégagent de nos données. Ce sont, par ordre d’abondance : les
metaphorik.de 32/2022
116
métaphores militaires, la personnification, les catachrèses métaphoriques, les
métaphores spirituelles et la chosification.
4.1 Les métaphores militaires
Les métaphores militaires ou de guerre sont les plus usitées dans notre corpus
avec un peu plus d’un tiers (55) du nombre total des occurrences recensées. Elles
sont activées de manière proportionnelle aussi bien dans les discours officiels
que dans ceux du citoyen lambda. Les locuteurs y recourent communément
comme une stratégie d’intimidation émotionnelle. Soit en exprimant un
sentiment de peur (1), soit en le suscitant chez l’allocutaire (3), (4), soit encore
en exhibant la force physique et/ou mentale du locuteur (2), de celui ou de ce
dont on parle (4).
(1) j’ai appris hier à la télé que corona vient de faire sa première
victime en côte d’ivoire. ça si tu fouilles bien c’est quelqu’un qui
a fait vingt ans sans venir au pays. mainnant on dit y a corona là,
kprû, il sait qu’il a pays, tout ça pour venir mettre les gens dans
problème (MMN, 12.03.2020).
(2) corona peut venir nous on est blindés. on a notre carô qui là, y a
rien ! et puis nous ici, on est les vrais môgôs, les vrais guerriers
wêê y a pas poulets de chair ici poulets de blanc non (II,
06.03.2020).
(3) la covid-19 est notre ennemie, mais l’indiscipline l’est encore
plus, si nous sommes unis contre cette maladie et disciplinés
comme le recommande la devise de notre pays, nous vaincrons
le coronavirus. sinon notre ennemie ce sera l’indiscipline donc si
nous ne voulons pas que la covid envahisse notre pays soyons
disciplinés, respectons les mesures (SO, 28.05.2020).
(4) …nous avons oublié dieu, nous allons jusqu’à nier son existence,
parce que l’être humain est devenu si arrogant dieu a envoyé
juste un des plus petits de ses soldats pour nous calmer, de la
même manière il a envoyé david contre goliath là non, hummm
tchô, de cette même manière il nous a juste envoyé un tout petit
petit soldat, il est tellement petit qu’on peut même pas le voir,
pour le voir il faut prendre microscope, mai::::s c’est ce seul
minuscule soldat là, coronavirus, qui a mis tout le monde,
l’humanité toute entière en prison, même les pays développés,
c’est avec eux-mêmes qu’il a commencé, c’est pas comme nos
soldats-là qui montrent leurs muscles seulement avec les
Boukari: « Corona est une bénédiction, c’est une grâce même »
117
pauvres, contre les faibles, ce petit soldat là, ce minuscule soldat,
l’un des plus petits soldats de l’immense armée de dieu, lui là il
s’en fout que tu sois développé ou pas, en réalité même il te
montre que si tu penses que tu es si développé, si tu penses que
tu es grand que tu es arrivé, regarde tu n’es rien (PR, 19.02.2021).
Les métaphores militaires ou de guerre se trouvent ainsi activées avec les
différentes expressions empruntées d’une part, au lexique militaire (les vrais
môgôs [les vrais hommes/intrépides], guerriers, (in)discipline, soldat, armée) et
d’autre part, au champ sémantique de la guerre armée (victime, blindé, ennemie,
envahir un pays, mettre en prison). Partant, elles assimilent la situation
pandémique à celle d’une guerre. Pareil cadrage, fait du COVID-19 un ennemi
qui cherche à infiltrer et à assiéger le pays. Il risque de l’envahir comme des
forces impérialistes envahissent et annexent un pays et réduisent sa population
en prisonnier de guerre (4). Mais selon le cadre de la santé, énonciateur de (3),
cela n’arriverait que si la population ivoirienne ne se constitue pas en une
véritable armée disciplinée ou tout au moins si elle n’a pas le civisme qui
caractérise tout vrai soldat. C’est le lieu de rappeler que la discipline constitue
la deuxième composante de la devise ivoirienne : « Union – Discipline –
Travail ». L’argument mis métaphoriquement en avant dans l’exemple (3) est
qu’à l’image d’une armée disciplinée qui vainc et protège son pays contre toute
forme d’invasion extérieure, un peuple discipliné peut empêcher tout ennemi
de l’envahir et finir par le vaincre. On comprend alors que les dénominations
des instances et des méthodes de lutte contre le COVID-19 en Côte d’Ivoire
soient à coloration militaire : Conseil National de Sécurité présidé par le chef de
l’État lui-même, chef suprême des armées, état d’urgence, plan de riposte
national, Centre des Opérations d’Urgences de l’INHP, etc.
Toujours du fait du cadrage de guerre, en (1), la maladie peut être identifiée à
un agresseur insidieux et impitoyable qui n’hésite pas à s’en prendre aux
personnes innocentes et à en faire des victimes. En (4), le coronavirus n’est ni un
ennemi ni un agresseur vicieux. Mais il est aussi transporté de manière
métaphorique sur un champ de bataille en tant que soldat pour mener une
guerre à la fois spirituelle et physique. Une guerre spirituelle opposant comme
dans une série de science-fiction (ainsi que le montre aussi Sontag dans son
livre) les forces du bien aux forces du mal. Cette image métaphorique ne se
nourrit pas seulement d’une intermédiarité, mais aussi d’une intertextualité qui
rappelle une autre guerre cette fois physique. Une guerre rendue célèbre par
metaphorik.de 32/2022
118
l’apparent combat déloyal entre David (aussi minuscule soldat de Dieu) et le géant
Goliath (symbole de tyrannie). Ainsi le COVID-19 est assimilé à David. Il devient
à la fois un envoyé de Dieu et un soldat, certes d’apparence faible (minuscule
soldat), mais doté d’une grande sagacité qui en fait un soldat redoutable. À
l’image de David, la mission assignée à ce nouveau soldat et envoyé de Dieu (la
nouvelle maladie à coronavirus) est de rentrer en guerre contre la tyrannie de
l’Homme sur terre afin d’y rétablir l’autorité de Dieu. En (2), le cadrage
métaphorique de la guerre permet à l’énonciateur, un conducteur de bus urbain,
de se redéfinir et avec lui les Ivoiriens, comme des êtres intrépides (les vrais
môgôs) [les vrais hommes], des guerriers non disposés à plier l’échine face à
l’ennemie qu’est le COVID-19. Bien au contraire, grâce aux métaphores
militaires qu’il mobilise, le transporteur se façonne une certaine représentation
des Ivoiriens. Il les dépeint comme des personnes aguerries et fortifiées par les
décoctions de racines (cârô), perçues comme étant bénies pour avoir survécu aux
ténèbres des profondeurs de la terre, côtoyées et vécues avec les esprits du
monde souterrain qui les ont recommandées aux guérisseurs. Ainsi immunisés,
les Ivoiriens deviennent blindés contre le virus à l’image d’un char de combat
qui se lance sans crainte à l’assaut de l’ennemie.
4.2 La personnification
Cette métaphore ontologique qui consiste à projeter un ou des aspects humains
sur le non humain est aussi beaucoup usitée dans nos données avec presque
une quarantaine d’occurrences, 38 pour être exact (environ 25%). D’ailleurs,
avec des métaphores telles que soldat, ennemie, David, Goliath, vaincre, envahir,
indiscipline (prises en compte dans le décompte), la personnification de la
maladie se laisse déjà voir dans les exemples (1), (3) et (4). Cela n’est pas
surprenant si on considère avec Lakoff/Johnson (1985: 42) que la
personnification regroupe une diversité d’autres métaphores comme dans ces
cas, les métaphores militaires ou de guerre citées. Dans nos données, la
personnification de la maladie est observée dans toutes les situations d’enquête.
Elle est utilisée à des fins de persuasion, soit en décrivant son degré de
dangerosité (5), soit en présentant son impact sur la population (6), (7) et (8).
(5) tchê ko corona vient de frapper la côte d’ivoire avec un premier
cas confirmé, é tchê ça c’est pas affaire hein, wallayi les gars
coronavirus là c’est pas affaire hein, on dit c’est le last, c’est le
babatchê des virus même qui est là, il a pris couronne là c’est
Boukari: « Corona est une bénédiction, c’est une grâce même »
119
pour ça il s’appelle corona c’est leur chef sinon c’est couronna,
mais comme ça sonne pas bien là c’est pour ça on dit corona,
donc sciencez hein sciencez pardonner ! (MMN, 02.04.2020).
(6) son mari est décédé ooo, il parait que c’est corona qui l’a tué,
c’est quelle maladie ça ? venir gâcher la vie de la pauvre comme
ça, é dieu, c’est quelle maladie ça ? comment tu peux venir tuer
mari des gens comme ça, comme dans amusement, tu nous
l’arrache si brusquement comme s’il n’avait jamais existé comme
si de rien n´était (II, 16.02.2021).
(7) le covid-19 nous impose sa tyrannie, bouleverse nos modes de
vie, nous prive de nos libertés fondamentales (MTR, 27.07.2020).
(8) Quand j’entends tout ce qui se dit dans les réseaux sociaux dans
cette affaire de covid la, mon coeur me brûle, franchement mon
coeur me fait mal. ça chauffe mon rognon mon rognon, wallahi
mon rognon est chaud, les blancs ont trop foutaise wallahi (II,
25.06.2020).
La grande variété des impacts du coronavirus sur les populations ivoiriennes
est rendue tangible en termes d’activités humaines. Ainsi, la métaphore
propositionnelle en (5) : le corona vient de frapper la Côte d’Ivoire, impute à la
maladie un comportement humain. En puisant dans son imaginaire social, le
locuteur attribue à la maladie la capacité d’infliger un châtiment. De plus,
l’individu étant rarement reconnu comme seul responsable de ses agissements,
la sanction est rendue collective en exécution d’une sentence pénalisante. Ainsi,
l’image d’une justicière est appropriée à la maladie. En effet, bien que la
contamination ne concernait en réalité qu’un individu (un cas confirmé),
l’impact négatif de cet évènement est étendu à tout le pays. Par le biais de la
métaphore, allusion est faite à la menace de propagation du virus dans le pays.
Ainsi tant qu’il n’y avait pas de cas confirmé, la Côte d’Ivoire était à l’abri d’une
telle conséquence. Il faut comprendre que le pays est perçu ici comme un corps
dont chaque habitant constitue une partie. Ce qui affecte la partie (le cas
confirmé) affecte naturellement l’ensemble (le pays). Ce qui était donc une
sanction individuelle pour négligence (non-respect des mesures barrières)
devient une sanction collective pour une autre négligence (non-fermeture des
frontières). Quant aux autres métaphores de cet exemple extrait d’un message
de sensibilisation adressé aux jeunes via les réseaux sociaux : c’est le last [‘le
meilleur des virus’], c’est le babatchê des virus [‘le patron des virus’], il a pris
couronne là [‘il fut intronisé roi’], c’est leur chef, elles fournissent toutes au
metaphorik.de 32/2022
120
COVID-19 l’image de la maladie la plus dangereuse et plus crainte du moment.
Parce qu’elles conçoivent le coronavirus comme le meilleur des virus, leur
patron, le roi des virus ou leur chef, il devient corrélativement le virus doté de
la plus grande capacité de nuisance.
Avec (6), la locutrice approprie au COVID-19 l’image métaphorique d’un
dangereux meurtrier, d’un psychopathe sans coeur et tueur en série (venir tuer
mari des gens) qui assassine, arrache l’époux à son épouse (corona l’a tué) la
laissant dans le désarroi. Mais, que les locuteurs lui attribuent l’image d’un
meurtrier ou d’un destructeur sans état d’âme (6), celle d’un tyran ou d’un
dictateur véreux (7) ou encore celle d’un malfaisant (8), ces expressions métaphoriques
exploitent toutes des caractéristiques propres à des êtres moralement
disqualifiés pour extérioriser leur compréhension des impacts de la maladie sur
la population. En effet, un vrai meurtrier est quelqu’un qui tue. Un vrai
destructeur de bien d’autrui est quelqu’un qui détruit l’oeuvre de toute une vie
sans état d’âme. Un vrai tyran ou un dictateur est quelqu’un qui piétine les
droits et libertés fondamentaux des autres. Un véritable malfaisant est dépourvu
d’état d’âme. Il en va métaphoriquement de même pour la maladie.
4.3 Les catachrèses métaphoriques
Ce que nous appelons ici catachrèse métaphorique à la suite de Fontanier (1977),
faute d’avoir trouvé dans la TMC une désignation répondant à leur description,
sont des expressions métaphoriques plus ou moins forcées. Elles présentent la
maladie sous une autre idée, mais de manière crue, sans autre forme de fioriture
(cf. §1.1). Elle ne serait donc qu’une sorte d’emprunt visant à décrire ou à
référencer la nouvelle maladie afin de la rendre moins abstraite. Ces métaphores
qu’on pourrait donc qualifier de descriptives ou de référentielles sont aussi
fréquemment usitées dans notre corpus. Nous en dénombrons 33, soit près de
22% des occurrences recensées.
Deux types d’expressions métaphoriques composent la présente catégorie. Les
premières tendent à dédramatiser la gravité du COVID-19. On les retrouve
surtout dans le discours du citoyen lambda. Elles offrent différentes images des
représentations que se font les populations ivoiriennes de la nouvelle maladie à
coronavirus. Avec ces EM/ML, le COVID-19 acquiert différents visages. Il peut
être perçu comme une mise en scène (une sorte de complot (9)). Il peut aussi
Boukari: « Corona est une bénédiction, c’est une grâce même »
121
être assimilé à d’autres maladies (10) ou crises (11) plus connues des locuteurs
ou encore être simplement assigné à autrui (12).
(9) faut laisser ça, c’est politique, covid c’est complot du
gouvernement pour s’enrichir, covid c’est film san ! ils sont en
train de nous systèmer, covid c’est v.i, maintenant tous les
grands qui meurent on dit c’est covid, même quand c’est pas ça
on dit c’est ça eh tchê ! (FG, 18.08.2020).
(10) oui, je sais corona c’est quoi, c’est maladie quand tu as ça tu
tousses seulement, tu chauffes, tu as la fièvre oui c’est ça ton
corps chauffe et puis on tousse mais nous on a pas peur de
corona, corona c’est palu chez nous ici, on dit quand tu as ça ta
bouche est amère, tu es cassé, ton corps te fait mal, tu as la fièvre
et puis tu as froid, ça c’est djakouadjo, c’est palu, nous on
appelle ça palu on a fini avec ça, nous on a pas corona, corona
c’est chez eux là-bas (II, 25.06.2020).
(11) le vrai coronavirus en afrique c’est le confinement et les mesures
barrières. Ce sont eux qui tuent, les gens meurent plutôt des
conséquences des mesures inappropriées et non de la covid, il
n’y a pas de covid qui tienne ici, notre covid c’est la faim et la
précarité que ces mesures non adaptées à nos réalités viennent
accentuer (II, 14.03.2020).
(12) en temps normal corona c’est est maladie des binguistes ou bien
des babatchês, les gens d’en haut en haut là waalla c’est maladie
des gens d’angré, rivéra, marcory residentielle, biétry:: waalaa et
puis c’est pour les grattés, les blancs quoi sinon chez nous ici là
y a rien donc laissez nous les pauvres là en paix avec vos
maladies de riche là i n’ont qu’à aller construire leurs centres là
là-bas (FG, 11.04.2020).
Dans l’exemple (9), les informations contenues conventionnellement dans le
domaine source de la machination ou du complot sont transposées au COVID-
19 et servent à le caractériser. Ainsi à l’instar de toute véritable machination ou
complot qui requiert la mise en scène parfaite d’une intrigue, la maladie est
assimilée à une gestion politique, à un film. Et comme toute production
cinématographique digne de ce nom, l’objectif principal du complot va consister
à distraire l’audience en le transportant subtilement dans un univers fantasmatique
ainsi que le ferait tout bon vendeur d’illusion (v.i). Naturellement,
selon un tel cadrage métaphorique, on peut attribuer au metteur en scène (ici le
gouvernement) la volonté de faire croire n’importe quoi. Il lui suffit pour ce faire
de confier les rôles principaux du film à des célébrités (tous les grands) dont la
metaphorik.de 32/2022
122
mort contribuerait à faire la promotion subtile de la machination politique et
partant, à construire sa crédibilité tout comme le ferait par exemple un bon film
documentaire ou une bonne publicité.
En (10), la réalité du COVID-19 est réduite à de banals symptômes utilisés pour
montrer comment la maladie se manifeste. Et même si, dans nos données, les
métaphores entourant cette maladie ne se rapportent que très peu à des
manifestations symptomatiques, notons que la maladie y est généralement
décrite avec l’image d’une source de chaleur qui enfièvre (tu as la fièvre). Dès
lors, le COVID-19 devient dans l’imaginaire populaire des Ivoiriens une
maladie imprégnée de chaleur tout comme le paludisme, localement connu
sous le nom de dja-kouadjo (ça c’est djakouadjo, c’est palu, nous on appelle ça palu).
En effet, cette source énergétique peut, certes, être suffocante, mais elle ne
demeure pas plus grave que cela (tu tousses seulement, tu chauffes … ton corps
chauffe et puis on tousse). Ensuite, elle peut rendre malade du paludisme en
commençant par une perte d’appétit exprimée métaphoriquement par la perte
des propriétés gustatives de la bouche (ta bouche est amère [donc on a envie de
ne rien avaler]). Il en résulte de la faiblesse et une fatigue invalidante (tu es cassé,
ton corps te fait mal [tu es exténué et courbaturé]) conduisant à une fièvre et des
frémissements spasmodiques qui sont associés métaphoriquement à la
fraicheur (tu as la fièvre et puis tu as froid). On retrouve ici tous les symptômes
des maladies ordinaires dans la culture ivoirienne (cf. §2.5).
Les exemples (11) et (12) présentent des métaphores-clichées propres au
discours épi-/pandémique. Outre le fait de définir le COVID-19 comme la
maladie des autres ou d’ailleurs, on établit une sorte d’équivalence entre
l’opulence et le coronavirus. Ainsi, tout comme le cancer (Sontag 1993: 26), cette
maladie est associée à la vie bourgeoise et aux riches (vos maladies de riches).
Ceux-ci coïncident dans l’imagination populaire avec les Occidentaux (c’est pour
les grattés, les blancs quoi) et tous ceux qui peuvent s’offrir le luxe d’adopter leurs
modes de vie. Ce sont les personnes vivant en occident (c’est est maladie des
binguistes), l’élite intellectuelle ou financière (c’est la maladie des babatchê [‘les
détenteurs du pouvoir financier’], les gens d’en haut en haut [‘l’élite
intellectuelle’]) ou tout simplement ceux qui habitent les quartiers résidentiels
avec les expatriés occidentaux (c’est maladie des gens d’angré, rivéra, marcory
residentielle, biétry). Partant de là, les implications des domaines sources
confinement (ne pas travailler, être payé et être capable de se nourrir ou de
Boukari: « Corona est une bénédiction, c’est une grâce même »
123
travailler de la maison) et mesures barrières (se laver régulièrement les mains
avec du savon ou du gel hydro-alcoolique, l’usage du masque, restriction des
déplacements…) sont perçues comme des luxes de la vie bourgeoise donc
assimilable au COVID-19. Aussi les mesures supposées lutter contre la maladie
deviennent elles-mêmes la maladie. En effet, les conséquences dramatiques
reconnues à des domaines sources telles que la faim et la précarité sont mises en
équivalence parfaite avec celles engendrées par les mesures visant à endiguer
la pandémie.
En ce qui concerne le second type des catachrèses métaphoriques, il est le propre
du discours officiel et/ou médical. À l’instar des cas de personnification
précédemment vus, les EM/ML de cette catégorie sont plutôt alarmantes. Elles
puisent dans les domaines sources de la biologie pour fonder la compréhension
officielle de la maladie à qui il est attribué l’image d’une catastrophe naturelle
imminente.
(13) nous avons très bien résisté à la première vague, faisons encore
mieux pour la prochaine vague qui dit-on sera plus ravageuse
(MTTV, 14.08.2020)
(14) il est de notre responsabilité de tout faire pour ne pas nous faire
envahir par de nouveaux cas, protégeons notre pays (SO,
28.05.2020).
(15) éh affaire de corona ! c’est pas affaire hein ! moi mon problème
en ce moment c’est pas corona (sourire) mmhum kooko de mon
chéri est sorti son kooko est sorti c’est en train de le bouffer pour
partir, et puis y a furoncles qui poussent sur son corps partout
partout, tu vois que j’ai d’autres problèmes non ? (II, 25.06.2020).
En réalité, une vague est une masse d’eau qui est agitée ou soulevée par des
impulsions extérieures à la vague elle-même. De là découle le caractère
irrégulier, incertain ou indéfini de son apparition, de sa forme et de son
intensité. Ce sont ces différents aspects du domaine source qui sont transposés
par mapping au COVID-19 en (13) pour le caractériser métaphoriquement
comme une maladie imprévisible. Aussi peut-elle se manifester de manière
fortuite chez des individus pour non seulement en faire de nouveaux cas de
contamination, mais aussi et surtout pour les réduire à de simples nombres, des
nouveaux cas (14). Ces derniers pouvant osciller entre de nouveaux cas de
conscience lorsque mis en rapport avec les propositions cotextuelles « il est de
notre responsabilité / protégeons notre pays », des cas sociaux à la charge d’un
metaphorik.de 32/2022
124
pays pauvre qui lui-même a besoin d’être protégé par ses citoyens ou encore à
des phénomènes naturels indésirables cherchant à envahir un pays vulnérable
(14). En (15), à l’image des mauvaises herbes ou plantes qui apparaissent et
poussent dans des endroits inappropriés, des furoncles qui apparaissent à tous
les endroits du corps humain sont associés par mapping à des plantes qui
poussent.
4.4 Les métaphores spirituelles
Les métaphores de cette section ont aussi été présentées dans la littérature
comme des éléments caractéristiques du discours épi-/pandémique. Avec 22
occurrences, les métaphores spirituelles représentent environ 14% des EM/ML
de notre corpus. Les domaines sources de ces métaphores sont à forte
connotation religieuse ou spirituelle. Cependant, elles n’ont pas été l’apanage
des religieux. Les personnes ordinaires y ont également eu recours en tant
qu’expression de leur croyance passive ou active en un dieu régissant l’univers.
Quoiqu’il en soit, ces métaphores utilisent des concepts fondamentaux du
discours religieux dont certaines propriétés subjectives sont projetées sur la
maladie à coronavirus pour tenter de la décrire de manière plus ou moins
naturelle. Mais, bien entendu, cela n’aboutit qu’à sa spiritualisation.
(16) c’est quelle maladie diabolique ça ? si c’est pas maladie du
diable ò, comment qu’à cause d’une maladie on ferme les
mosquées et puis les églises, moi, je pense qu’en temps normal,
c’est quand y a situations comme ça qu’on va prier pour que
dieu nous vient en aide, mais non, avec corona on doit plus se
regrouper pour prier, ils vont nous dire la vérité tchô ! (II,
16.02.2021).
(17) coronavirus n’est rien d’autre c’est c’est maladie, comme toute
maladie aussi corona est épreuve de dieu, il faut supporter ça
avec patience avec endurance comme un bon croyant (FG,
18.08.2020).
(18) on doit rendre gloire à dieu pour corona parce que vrai vrai là
si on veut bien voir corona est une bénédiction, c’est une grâce
même, il nous a permis de revenir à l’essentiel, de passer du
temps en famille, de nous consacrer à nos enfants et à nos
conjoints, les bars, boites de nuits et autres lieux de distraction,
de débauche ont fermés pour nous ramener à l’essentiel (PR,
19.02.2021).
Boukari: « Corona est une bénédiction, c’est une grâce même »
125
(19) ce sont les péchés oui la covid est une malédiction de dieu, y a
trop pêchés sur la terre la, donc la covid est venue pour nous
punir, c’est une punition du seigneur, mhum mhum covid-19
est un signe de colère divine, mhmm c’est ça ! dieu est fâché et
il nous châtie avec corona, mainant prions, seigneur protège
nous tous de cette calamité qui s’est abattue sur ta terre,
préserve nous de ce mal, dans ton nom puissant que ce malheur
nous contourne nous tous au nom de jésus ! amen ! (PR,
05.04.2020).
Le prolixe florilège de métaphores spirituelles qui émerge de ces différents
exemples fait du COVID-19 une maladie spirituelle à quadruples colorations.
Primo, elle est perçue à la fois comme synonyme et conséquence de la colère
divine. Ainsi, la désobéissance (les péchés) suscite la colère de Dieu qui trouve son
expression dans la malédiction de Dieu et cela en guise de sa punition. Or, toute
punition venant de Dieu est au minimum associée à un mal, mieux à un malheur,
pire à un châtiment et au demeurant à une calamité qui s’abat sur terre. De fait,
chacune des métaphores de l’exemple (19), ne fait que privilégier un aspect
particulier du domaine source de la colère de Dieu. Secundo, la dimension
nécessaire et naturelle de l’épreuve dans le courant normal d’une vie est
transposée au COVID-19 pour l’ériger à son tour en un phénomène naturel.
Ainsi en (17), tout comme l’épreuve vise à tester nos différentes aptitudes en
dépit de son caractère éprouvant, le COVID-19 devient ainsi que l’indique
Sontag (cf. §1.4) une mise à l’épreuve de la force morale et spirituelle (il faut le
supporter avec patience avec endurance comme un bon croyant). Tertio, la bénédiction
étant dans un de ces aspects une faveur permettant de profiter des plaisirs de la
vie, tandis qu’un des aspects de la grâce renvoie à la délivrance gracieuse d’un
mal et à une aide surnaturelle permettant de faire la volonté de Dieu, la maladie
se verra affecter ces propriétés par la mise en relation de ces aspects des
domaines sources au domaine cible. De là, le COVID-19 devient une
bénédiction et une grâce pour les raisons que cite le locuteur en (18). Quarto, la
caractéristique fondamentale attribuée au diable ou au démon (force du mal)
est d’empêcher l’adoration de Dieu (force du bien). C’est en projetant ce trait
caractéristique du diable au COVID-19 du fait des mesures prises pour
l’éradiquer que la maladie est logiquement assimilée en (19) au diable (maladie
diabolique) ou au démon (maladie démoniaque). En considérant que le COVID-19
est une maladie qui affecte le système respiratoire, nous voyons que cela tend à
confirmer ce qu’écrit Sontag (1993: 29-30) à propos des maladies du poumon
metaphorik.de 32/2022
126
qui, selon elle, tendent à être métaphoriquement associées à des maladies de
l’âme.
4.5 La chosification
Même si selon Lakoff/Johnson (1985: 68), il est très usuel de conceptualiser le
non physique en termes de physique, la chosification comme une métaphore
liée à la maladie est peu usitée dans nos données. Avec seulement 5 cas distincts,
la chosification ne représente qu’environ 3% des occurrences. Ici, le savoir
abstrait de ce qu’est le COVID-19 conduit à l’appréhender en termes de chose
ou d’objet physique.
(20) … i n’ont qu’à aller construire leurs centres là là-bas faut pas i
vont prendre corona pour nous marmailler, c’est pas nous i vont
prendre pour chercher leurs djê waallaa (FG, 11.04.2020).
(21) faut arrêter de jouer avec affaire de covid la hein c’est pas pour
les grattés seulement y a j’ai eu des proches qui ont attrapé cette
maladie donc faut arrêter faut faire attention (FG, 18.08.2020).
(22) le virus se déplace pas il se déplace avec nous, c’est nous qui
transportons la covid et la transmettons aux autres lorsqu’on
est infecté parce que on peut être porteur sain (SO, 28.05.2020).
Dans l’exemple (20), la maladie est rendue tangible par son association avec un
instrument de corruption servant à tromper le peuple (marmailler [‘embobiner’])
ou à soutirer des fonds aux institutions internationales (prendre pour chercher leur
djê [‘leur argent’]). En (21), le COVID-19 devient quelque chose qu’on peut
susciter soi-même en le saisissant comme pour pactiser avec le mal (attraper cette
maladie). Dans la dernière illustration (22), le COVID-19 évoque l’image d’un
fardeau incapable de se mouvoir par lui-même et que le malade transporte en le
portant d’un lieu à un autre comme un fou, vecteur de transmission des
maladies.
Au-delà des différences observées dans le vocabulaire des différents locuteurs,
un double constat se dégage des résultats ainsi présentés. Le premier permet de
noter les faits suivants. Si certaines catégories de métaphores, notamment les
plus connues - donc devenues courantes dans les pratiques discursives - telles
que les métaphores militaires ou de guerre, la personnification et la chosification
sont observées dans tous les types de discours, d’autres par contre sont plus ou
moins spécifiques à des types de discours particuliers. Ainsi, pour ce qui est de
Boukari: « Corona est une bénédiction, c’est une grâce même »
127
nos données, les métaphores spirituelles sont absentes des discours officiels.
Cependant, elles sont présentes partout ailleurs. Ceci pourrait s’expliquer par
deux réalités opposées. D’une part, le principe de laïcité promu par la
constitution de Côte d’Ivoire, et qui exige la séparation des considérations
religieuses des affaires étatiques, n’autorise pas la spiritualisation des maladies.
D’autre part, le caractère foncièrement spirituel des populations ivoiriennes la
favorise par contre. En outre, pendant que les catachrèses métaphoriques qui
puisent dans le domaine source des sciences de la vie et de la terre ne sont
manifestées que dans les discours officiels et/ou médicaux, les autres
catachrèses métaphoriques n’apparaissent que dans les discours des citoyens
ordinaires. Ce constat aussi pourrait s’expliquer par les différents niveaux
d’information et de connaissance en présence. Alors qu’il serait maladroit, voire
scandaleux, dans un discours officiel d’adopter vis-à-vis de la maladie une
conception contraire à celle de la science, le citoyen lambda n’est pas tenu par
cet impératif. D’ailleurs, il n’a pas toujours accès à ces informations ou à ces
connaissances. Même dans le cas contraire, l’enquêté peut choisir de ne pas y
croire et se laisser guider par ses réalités sociales et/ou de ses croyances
culturelles. Partant, il arrive que l’Ivoirien ordinaire conceptualise le COVID-19
de manière crue, et ce, selon sa manière de le vivre et de le percevoir au
quotidien. Justement, le deuxième constat qui ressort des résultats est que, le
recours aux EM/ML engendre diverses conceptions du COVID-19 en Côte
d’Ivoire. De ces différentes perceptions de la maladie naissent également des
représentations et modes de penser que nous considérons avec deux autres
questions dans la discussion.
5. Discussion
Dans cette section, nous abordons à la lumière des travaux antérieurs
précédemment évoqués, trois points. Le premier discute de la complémentarité
des théories de la métaphore. Le second aborde la question de la systématicité
des concepts métaphoriques tandis que le troisième traite des implications
desdits concepts, notamment de leurs implications morales.
5.1 De la complémentarité des approches théoriques de la métaphore
Nous avons pu voir dans la section méthodologique que dans la TMC, la
procédure d’identification des métaphores linguistiques au niveau discursif va
metaphorik.de 32/2022
128
de pair avec la prise en compte des informations du niveau sub-individuel (cf.
§2.2), qui lui est fondée sur les distinctions sémantiques établies par la
lexicographie (cf. §1.1). De même, contrairement à ce qui est avancé par la
sémantique lexicale, la TMC, en tant que théorie des processus cognitifs, permet
à partir des projections et inférences métaphoriques d’expliquer aisément la
polysémie à l’aide de commutation paraphrastique. Par ailleurs, la compréhension
de la métaphore à partir d’un sens prototypique selon la sémantique
des prototypes ou d’un sens de base selon la sémantique constructiviste (cf.
§1.1) peuvent facilement s’analyser en termes d’aspects ou d’éléments du
domaine source privilégiés lors du mapping de la TMC (cf. §2.1) et vice-versa.
En ce qui concerne la TMC, elle peut à son tour être facilement assimilée à une
théorie générale de la catachrèse telle que proposée par Fontanier (cf. §1.1) ainsi
que le fait remarquer aussi Gréa (2001: 70ss). D’ailleurs, bien qu’ayant opté pour
la TMC comme modèle de départ, il nous a fallu emprunter à Fontanier (1977)
sa notion de catachrèse métaphorique pour catégoriser une part importante de
nos EM/ML (cf. §4.3). Pareillement, la notion de catachrèse tropologique
figurée de Fontanier (1977) a besoin d’une projection métaphorique du type
mapping pour mieux expliciter comment la métaphore figure arrive à corréler
deux idées distinctes mises en tension l’une sous l’image de l’autre (cf. §2.1). De
plus, s’il est vrai que la théorie de la pertinence avance que les pro-concepts
mentaux encodés dans les mots ne sont spécifiés que de manière pragmatique
(cf. §1.1), néanmoins le concept de cadrage et d’inférence métaphorique de la
TMC permet d’expliquer de manière plus concrète comment cela est rendu
possible. Inversement, la projection métaphorique se trouve justifiée si les mots
sont présentés comme n’encodant pas des concepts mentaux précis et
entièrement déterminés, mais plutôt des pro-concepts.
5.2 De la systématicité des concepts métaphoriques
Selon Lakoff/Johnson (1985: 116), une approche adéquate de notre système
conceptuel doit être capable de dire comment les métaphores d’un domaine
cible sont fondées, structurées, reliées les unes aux autres et définies. Dès lors,
la question qui se pose est de savoir comment les apparentes contradictions
observées avec des métaphores telles que : corona est une bénédiction (18)/corona
est une malédiction (19), peuvent être organisées en un système cohérent autour
de MC ? À la lumière des catégories métaphoriques de la section précédente,
Boukari: « Corona est une bénédiction, c’est une grâce même »
129
nous dégageons ici deux MC qui, pour nous, régissent et explicitent les EM/ML
de manière cohérente. Précisons que pour la TMC, la cohérence métaphorique
n’est pas synonyme d’une compatibilité logique qui supposerait par exemple
une image unique du domaine cible. L’argumentation est que d’abord, l’objectif
de la métaphore est d’assurer la compréhension du domaine cible. Ensuite, dans
cette tentative, elle ne structure ce dernier que partiellement dans la mesure où
elle ne projette sur lui que certains traits du domaine source. Aussi va-t-il de soi
que des chevauchements puissent apparaitre et favoriser la conception plurielle
du domaine cible, selon les différents aspects privilégiés du domaine source lors
des mappings. Ceci dit, si d’une part, toutes les expressions métaphoriques
dégagées sont de type ontologique, et que d’autre part, toute expérience
(caractéristique des métaphores ontologiques) est fondée culturellement, c’està-
dire que lorsque nous expérimentons le monde, nous le faisons à partir de
notre culture qui y est déjà ancrée en tant que perspective, alors, nous avançons
que toutes les métaphores de la maladie mobilisées par la population ivoirienne
sont structurées par les MC suivantes : LA MALADIE EST UN ESPRIT et SA
MANIFESTATION EST UNE POSSESSION. Fondées sur le partage d’implications
métaphoriques communes aux EM/ML recensées, ces deux MC permettent de
structurer de manière cohérente la maladie et de rendre compte des images,
valeurs et autres propriétés qui lui sont assignées.
Ainsi, tout comme un mauvais esprit (force du mal), la maladie peut venir tuer,
gâcher la vie (6) et faire des victimes (1). Partant, elle peut être traitée d’ennemi (3).
En outre, comme tout esprit digne de ce nom, la maladie peut prendre
possession de nous et nous envahir. Cela ne se produit que si on est indiscipliné
en n’observant pas certaines mesures ou règles sociétales. Aussi, tout comme le
respect strict de celles-ci empêche l’esprit de nous envahir, le respect des mesures
barrières nous permet de vaincre le corona à l’image même des forces du mal qui
peuvent être vaincues par les forces du bien (3). D’un autre côté, si la maladie
est un esprit, elle peut être associée à un esprit malveillant émanant du diable et
être ainsi une maladie démoniaque ou diabolique (16). Mais, elle peut aussi être
associée à un envoyé et soldat de Dieu comme David (4), à un esprit envoyé par
lui soit, pour servir d’une épreuve (17) supposée nous enseigner, soit, comme un
signe de sa colère et être par conséquent associée à une calamité qui s’abat sur sa
terre, un mal, un malheur ou une malédiction de Dieu (19), ou soit, comme un esprit
de bénédiction et de grâce (18). Néanmoins, à l’instar de tout esprit dont on peut
se protéger en se blindant à l’aide des pactes, matérialisés par des potions
metaphorik.de 32/2022
130
magiques, des gris-gris et autres pratiques qui font de nous des intrépides (vrais
môgos) ou des guerriers, on peut également être blindé contre la maladie (2). Par
ailleurs, vu que tout esprit est par définition une entité non matérielle, il est
fondamentalement protéiforme. Ainsi, associé à la maladie, il peut s’incarner
sous l’apparence, les attributs ou autres caractéristiques d’un humain (5), (6) (7),
(10), d’un objet (20), (22), d’un phénomène naturel (11), (13), (14) ou faire corps
avec les mesures de lutte contre la maladie, assimilant ainsi le confinement et
autres mesures barrières à la maladie elle-même. De plus, comme dans le cas d’un
esprit, la maladie peut être simulée devenant ainsi une politique, un complot du
gouvernement, une mise en scène (un film), un élément de mystification et de
vente d’illusion (v.i) (9). Enfin, à l’image d’un esprit avec qui on peut être lié par
un pacte scellé, on peut aussi attraper la maladie (21). Notons que dans les langues
ivoiriennes, dont la semantaxe imprègne la pratique du français local, le
consensus ou l’accord est traduit par l’acte de tendre la main pour saisir l’objet
symbolisant le pacte, c’est « l’attraper », lui donner la main en guise
d’allégeance.
En ce qui concerne la maladie dans sa manifestation physique ou intérieure, elle
est associée à un état de possession par un esprit qui s’exprime par l’entremise
du corps possédé (cf. §2.5). Ainsi suivant l’image d’une personne possédée, le
corps ou l’organe atteint par la maladie perd ses attributs et modes de
fonctionnement naturels pour subir la volonté de l’esprit possédant. Soumis
donc à la merci de cette force invisible, l’organe possédé est associé à l’image
d’une personne qui a perdu la raison ou tout au moins qui se trouve dans un
état passionnel ou second. Ceci explique l’abondance de la personnification de
la maladie observée à ce niveau. Ce procédé métaphorique est l’expression de
ce qui est perçu comme une démence du corps qui lorsqu’il a ça (10), comme on
a un esprit, perd son état de fraicheur naturelle pour se mettre à suffoquer :
quand tu as ça tu tousses seulement, tu chauffes, tu as la fièvre oui c’est ça ton corps
chauffe et puis on tousse (10). Le dérèglement du corps du fait de la possession
peut aussi faire pousser des furoncles (…) sur son corps partout partout (15) ou
conduire les organes à s’engager dans une rébellion autodestructive, à bruler ou
faire mal à la personne possédée (8). Mais, parfois, le locuteur laisse entrevoir
qu’il sait que ce disfonctionnement organique est le fait d’un facteur extérieur à
l’organe. Un stimulus dont la dénomination semble tabouée comme si son
évocation est dotée d’un pouvoir de nuisance qui suscite la peur : ça chauffe mon
rognon [coeur] (8), quand tu as ça (10). Il semble évident qu’une telle
Boukari: « Corona est une bénédiction, c’est une grâce même »
131
conceptualisation de la maladie a des implications sur les représentations
sociales de la maladie. Car comme le montrent Ebersole et al. (2016), la façon
dont les gens pensent à un domaine source peut influer la manière dont ils
raisonnent à propos d’un domaine cible.
5.3 Implications des concepts métaphoriques
Ces deux MC qui conduisent à conceptualiser d’une part, la maladie comme un
esprit et d’autre part, sa manifestation comme une possession, et non comme
une simple maladie, ont de nombreuses implications (essentiellement négatives)
sur les représentations, les modes de vie et de penser de la population
ivoirienne. Il ne semble nullement hasardeux d’avancer qu’une part importante
des attitudes et comportements vis-à-vis de la maladie en général n’est que le
prolongement des implications de ces deux concepts métaphoriques. On
comprend par exemple la vitalité du recours permanent à la médecine
traditionnelle et aux camps de prières de délivrance dans un monde moderne.
On saisit aussi les rapports d’hostilité ou de coopération entretenus avec la
médecine moderne.
En effet, un esprit étant une entité spirituelle, l’associer à la maladie conduit à
sa mystification ou autres extrapolations fantasmatiques pouvant aboutir à
toutes sortes de dérives. Comme cela est d’ailleurs observé dans cette partie du
monde. Pareille mystification semble contribuer à maintenir la population dans
l’ignorance et cela, en dépit de toutes les avancées technologiques de notre ère,
voire des savoirs médicaux engrangés au fil des siècles. On comprend alors
aisément qu’à l’image des courants ésotériques d’Europe, la presque totalité des
personnes interrogées est plus encline à croire aux théories du complot. Partant,
elles jugent moralement ceux qui soutiennent l’existence du COVID-19 en Côte
d’Ivoire en faisant d’eux des comploteurs, fraudeurs et partisans de la gabegie.
On comprend aussi que la grande majorité des enquêtés se méfient des mesures
proposées pour lutter contre le COVID-19 ou qu’elles les respectent peu en
dehors de toute contrainte. Cela pourrait aussi expliquer la méfiance toxique
vis-à-vis des vaccins ou encore pourquoi généralement la population préfère
d’abord recourir aux soins de la médecine traditionnelle pour se faire soigner
avant de se tourner vers la médecine moderne (Drescher/Boukari/Ngawa,
sous-presse).
metaphorik.de 32/2022
132
Mais là où ces MC semblent encore plus imprégner les représentations des
populations, leurs manières d’agir et de penser, c’est au niveau social. Elles y
favorisent l’apparition de stigmates ayant pour corolaire des évaluations
moralisatrices dont la polarité est régie par les cadrages sémantiques qui en
découlent. D’abord, elles contribuent à catégoriser implicitement la population
entre personnes bonnes (liées aux forces du bien) et moins bonnes ou mauvaises
(liées aux forces du mal). Ainsi, nous avons d’un côté les vrais môgôs [‘vraies
personnes’] et de l’autre côté les ‹ fausses ›. Les premières sont saines, intrépides
et immunisées (blindées) contre la possession donc des guerriers (cf. (2)). Cette
catégorie ‹ des gens de bien › à l’instar du prophète David est opposée
implicitement ou explicitement aux ‹ adeptes du mal › comme Goliath (cf. (4)),
aux parias ou aux faibles associées métaphoriquement à des poulets de chair ou
poulet de blanc (cf. (2)). Ce cadrage métaphorique fait de ces derniers des êtres
fragiles, malades ou susceptibles de l’être par une quelconque possession.
Comme on peut le voir, on retrouve ici aussi un autre trait caractéristique du
discours épi-/pandémique où un lien de causalité est couramment établi entre
l’imaginaire de la maladie et celui d’autrui. Selon Sontag (1993: 179) « ce lien
s’enracine peut-être dans le concept du mal qui d’un point de vue archaïque
s’identifie au non-nous, à l’étranger ». Ensuite, il est connu que la
spiritualisation de la maladie telle qu’elle résulte des deux MC (cf. aussi §2.5/
4.3/5.2) en fait indéniablement un emblème d’évaluation morale. En effet, elles
suggèrent qu’on a une maladie comme on a un esprit ou qu’on attrape une maladie
comme on pactise avec un esprit (cf. (10), (21)). Il est évident que de telles
représentations attribuent à la maladie une interprétation moralisante, car elle
vient à porter en elle-même la condamnation du malade. La maladie est perçue
alors comme le signe d’une sanction méritée, une sorte de preuve de sa
dépravation ou de sa mauvaise vie. Il est que de manière consciente ou
inconsciente, du fait de ces CM, l’on tend à rejeter sur le malade la faute de sa
maladie. Accusé implicitement ou explicitement de laxisme moral ou
d’irresponsabilité, ce dernier est tout de même tenu pour responsable de ses
choix ou des agissements (négligence, péché ou tout autre comportement jugé
déviant) ayant favorisé sa possession rendue tangible par la maladie. Dès lors,
celle-ci passe aisément pour un signe de la colère de Dieu, une punition d’Allah, une
calamité qui s’abat sur la terre, un châtiment, une malédiction, une épreuve, ou encore
toute autre expression soulignant la corruption morale du malade (cf. (17), (19)).
Mieux, elles vont jusqu’à faire du malade le complice de la maladie, un
Boukari: « Corona est une bénédiction, c’est une grâce même »
133
malfaisant ennemi indiscipliné (cf. (3)) qui, comme un malade mental, plus
royaliste que le roi, transporte avec lui et transmet aux autres partout où il passe
une maladie qui ne se déplace pas (cf. (22)). Enfin, si l’on considère en elle-même
l’expression métaphorique en (18) : corona est une bénédiction, c’est une grâce
même, le moins que l’on puisse dire c’est qu’elles offrent de prime abord un
cadrage moral plutôt favorisant pour la maladie et le malade. Par contre, c’est
le cotexte suivant de ces EM/ML qui leur confère leur charge morale négative.
En le couplant aux métaphores, on y découvre une condamnation implicite des
modes de vie pré-COVID-19, ce qui en fait un jugement moral. La maladie
devient alors esprit de pardon (grâce) et d’agrément (bénédiction) en guise d’une
miséricorde de Dieu qui donne à l’humanité une autre chance de se ressaisir et
de revenir à l’essentiel.
Cette dernière occurrence métaphorique permet de confirmer la thèse des
travaux antérieurs selon laquelle la métaphore est une épée à double tranchant
(cf. §2.2). Mais le fait est qu’en situation concrète de communication, toutes les
expressions linguistiques sont susceptibles d’être des épées à double tranchant
(cf. Boukari 2016). De plus, ces métaphores montrent également que
contrairement aux travaux antérieurs, les métaphores militaires ne sont pas les
seules susceptibles d’attacher à la maladie un sentiment de culpabilité ou de
greffer au malade l’aura d’une personne à la moralité douteuse (cf. §2.2).
Soutenir qu’il faut exclure du discours de la santé certaines métaphores ou tout
au moins certains types de métaphores, c’est les présenter comme la source du
problème. Or, comme le montre bien la TMC, ce sont plutôt nos processus
cognitifs, nos CM ou nos manières de percevoir les choses qu’il faudra accuser
et changer. Ce sont eux qui, en fait, créent et structurent nos réalités. Nous
venons de le voir, ce ne sont pas les métaphores qui jugent et condamnent
moralement les malades, mais bien au contraire nos manières d’entrevoir
l’univers et de nous y projeter. Les EM/ML ne sont que l’extériorisation de tels
processus cognitifs. Comme toute expression langagière, la métaphore n’est
qu’un recours à la parole pour fonder notre compréhension des choses et non le
contraire. Ainsi que le soutiennent les tenants de la théorie de la pertinence (cf.
§2.1), la métaphore n’est rien d’autre qu’un emploi parmi d’autres et sa
signification n’implique pas un processus interprétatif autre que celui des
expressions non métaphoriques. Pour le reste, le fait même que tous s’accordent
sur l’ambivalence pragmatique des métaphores atteste, comme le soutiennent
Sperber/Wilson (1997: 108), qu’à l’instar de tous les mots, les métaphores ne
metaphorik.de 32/2022
134
sont que des indications d’un espace conceptuel, sur la base duquel un concept
réel est déduit de manière pragmatique. C’est dire que la motivation première
des EM/ML de la maladie n’est pas d’évaluer moralement le malade, mais
plutôt de rechercher une pertinence discursive optimale qui permet de
caractériser la maladie.
6. Conclusion
L’analyse du discours moral ayant longtemps été exclue du champ des études
linguistiques, la présente recherche a voulu s’inscrire dans la droite ligne des
rares contributions qui visent à combler ce déficit analytique. Elle est partie des
acquis des travaux antérieurs selon lesquels les métaphores de la santé sont
généralement empreintes d’évaluation morale pour chercher à savoir quelles
sont les métaphores mobilisées dans les discours autour du COVID-19 en Côte
d’Ivoire, leurs fonctions et implications dans la vie quotidienne des populations.
La démarche argumentative retenue s’est articulée autour de quatre sections. La
première a commencé par présenter différentes conceptions théoriques de la
métaphore. Ensuite, elle a procédé à une revue critique de la littérature,
notamment en ce qui concerne l’analyse des métaphores dans le discours de la
santé. Cela a permis de voir que les études antérieures aboutissent plus ou
moins aux mêmes résultats. Puis, il a été question de définir les notions de
discours, de morale, de discours moral, de les mettre en relation avec les
métaphores et le discours épi-/pandémique avant de fournir une brève
présentation des notions de santé et de maladie dans les cultures ivoiriennes. La
seconde section a été le lieu de présenter d’une part la TMC comme le modèle
d’analyse de départ et d’autre part, son adaptation à notre procédure d’analyse
dont l’exposé a également été fait tout comme le corpus hétéroclite sur lequel
elle a été appliquée. La troisième section a montré les résultats. Elle a donné la
possibilité de voir que les expressions métaphoriques utilisées dans les discours
autour du COVID-19 en Côte d’Ivoire et leurs fonctions communicationnelles
sont globalement identiques à celles observées dans les autres discours épi-/
pandémiques. Aussi les avons-nous regroupées en cinq catégories énumérées
par ordre d’abondance à savoir : les métaphores militaires, la personnification,
les catachrèses métaphoriques, les métaphores spirituelles et la chosification.
Néanmoins, il nous a été donné de noter que certains types de métaphores sont
générés par certains types de discours, tandis que d’autres sont transversales à
Boukari: « Corona est une bénédiction, c’est une grâce même »
135
tous les types de discours. La dernière section a discuté les thèses exposées dans
les précédentes sections à la lumière de ces résultats. Ainsi, nous avons montré
la complémentarité des différentes perceptions théoriques de la métaphore. En
outre, en prenant en compte les cultures locales, nous avons dégagé les deux
CM qui régissent l’ensemble des EM/ML. Suite à quoi, nous avons expliqué
comment elles façonnent les représentations sociales de la maladie, les modes
de penser et d’agir. Pour nous, ce sont ces CM et non leurs expressions
linguistiques qui sont dotées d’une capacité fondamentale de moralisation.
Nous avons soutenu en nous fondant sur les approches cognitives de la TMC et
de la théorie de la pertinence que les métaphores linguistiques ne sont que les
manifestations de surface de réalités plus complexes que sont celles des MC. Par
conséquent, si l’on veut lutter contre certaines représentations, modes de penser
ou la stigmatisation des malades, c’est plutôt à ces processus cognitifs qu’il
faudra s’attaquer, les reconsidérer voire les refonder au besoin et non aux
EM/ML en tant que telles. Quant à la question du comment, elle devra faire
l’objet d’études postérieures. Mais, elle devra certainement continuer à mettre
en dialogue les différentes disciplines intéressées par la bénédiction et la grâce
que constitue l’existence des métaphores.
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